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Mathieu a acquiescé, je me suis tu. Je ne savais pas qui était Souleiman Merched, ce n'est que plus tard, de retour à Alep, que j'ai vérifié.

J'ai trouvé un début d'explication à la connivence orientaliste de Mikhaël Rizkallah et de Mathieu Talence dans l'ancienne bibliothèque du Consulat général, cédée par un Consul rapide et pieux à un couvent de soeurs charitables : "Le Pays des Alaouites" par Jacques Weulersse, publié en 1940 par l'Institut français de Damas. 


Après diverses considérations historiques et géographiques, on y trouve plusieurs pages sur "Sleiman Meurched"' qui éclairent l'intérêt que pouvait trouver au personnage un major des services de renseignement anglais, en garnison à Lattaquié, au milieu de la seconde guerre mondiale.


J'ai donc appris qu'en 1923, Souleiman Merched, alors pauvre berger adolescent, après une maladie grave - des fièvres sans doute - avait commencé à prophétiser et comme c'est la règle pour les prophètes de cette terre inspirée à annoncer la fin des temps. La prophétie fut complétée par quelques miracles habiles et une agitation politique contre l'impôt et l'occupation française. Weulersse, fonctionnaire français du Mandat, explique avec commisération qu'en avril 1924, suite à de terribles exactions des partisans de Meurched dans le petit village d'Alyate, au sud de la ville de Homs, "en désespoir de cause, il fallut faire donner les automitrailleuses : l'affaire se solda par cinquante morts et autant de blessés ". 


Mais Weulersse fait appel, pour expliquer l'énorme influence que Meurched a pu avoir sur le peuple de la région, aux notions de "nébi" et de "mehdi", que je ne connaissais alors pas très bien. Mes recherches m'en apprirent ensuite davantage, me permettant ainsi de me poster aux portes du rêve de Mathieu Talence.


Il était tard maintenant, Mikhaël Rizkallah s'excusa. Il devait sortir, rejoindre des amis au café pour jouer au taoulé  tout en buvant de l'arak. Rien n'aurait pu le soustraire à ce rite de début de soirée, même pas l'envie de terminer l'anecdote qu'il avait entrepris de raconter.

Mathieu n'insista pas davantage et prit rendez-vous avec lui le surlendemain. J'étais un peu contrarié car je devais quitter Lattaquié le lendemain matin, tôt, et l'histoire était énigmatique. Je ne pouvais en deviner la chute, ni faire aucun lien avec la question de Mathieu sur les Alaouites.
Je sais que Mathieu s'est bien rendu chez Mikhaël Rizkallah. Celui-ci, par la suite, l'a confirmé. Il a certainement entendu la fin de l'histoire, bien qu'à ma demande, il m'ait affirmé qu'il n'en savait rien et que lors de leur entrevue, le vieil érudit, de digressions en digressions, s'était dérobé. 

Je crois cependant avoir trouvé, dans le quatrième carnet de Mathieu, la solution des aventures du Major. Rapporte-t-il ce que Mikhaël Rizkallah lui a raconté ou livre-t-il sur le mode du plagia le fruit de son imagination ? Je ne suis plus en mesure d'aller à Lattaquié pour m'en assurer.