Il me reste donc à
accorder
que je n'imagine même pas ce qu'est cette cire, et que je la perçois
par le seul esprit. Je dis cette cire en particulier, car s'il s'agit
de
la cire en général, c'est assez clair. Mais quelle est donc
cette cire qui n'est perçue que par l'esprit ? La même, bien
sûr, que je vois, que je touche, que j'imagine, la même enfin
que, depuis le début, je jugeais être là. Or
ce qu'il faut remarquer, c'est que sa perception n'est pas une vision,
ni un toucher, ni une imagination, et ne l'a jamais été,
bien qu'il l'ait semblé auparavant, mais une inspection du seul
esprit, qui peut être soit imparfaite et confuse, comme elle était
auparavant, soit claire et distincte, comme elle est maintenant, selon
que je prête plus ou moins attention à ce dont elle est constituée.
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Je
pense
à Venise. L'air et la lumière ont cette impression de Venise.
J'oublie Descartes en suivant à petits pas les trottoirs le long
des canaux, suivi de tous les doges, suivi de masques grotesques de
carnaval.
J'imagine Venise le matin et l'agitation des vaporetti sur le grand
canal.
L'un transporte des gravats et l'autre se donne des airs de bande
dessinée
un peu sépia. Je regarde Venise, troublé jusqu'aux larmes.
Le bois des bateaux de luxe pourrait refléter la peine.
C'est
cette Venise générale et particulière que je peux
rassembler par l'esprit, puzzle sans ordre précis. Je voudrais
rassembler quelques tesselles de marbre et de verre soufflé. La
feuille d'or de Torcello pourrait me proposer l'évanouissement. |