diegese
diégèse 2006


l'atelier du texte


Séquence 35
Séquence 36
Séquence 37


C'est un dispositif avec trois écrans. C'est le même dispositif avec trois écrans, les trois écrans qui permettent de voir des personnages en pied si une image est projetée, si une image de personnages est projetée.

Noëmie : vous entendez ma voix. Vous entendez ma voix de didascalienne. Sur l'écran du centre, sur l'écran du milieu, vous allez voir Gustav, vous allez voir Gustav qui marche dans une ville. Sur l'écran de droite, vous allez voir Mathieu, sur l'écran qui est à droite, vous allez voir Mathieu.

Mathieu : toute cette nature corporelle qui fait l'objet de la mathématique pure.

Noëmie : sur l'écran de gauche, Descartes. René Descartes. Les méditations métaphysiques défilent. Les lettres sont top petites pour que vous puissiez les lire. Vous savez cependant de quel texte il s'agit.

Gustav : il me reste à examiner si des choses matérielles existent.

Mathieu : les Méditations métaphysiques. Sixième méditation. En vérité, je sais déjà au moins qu'elles peuvent exister, en tant qu'elles sont l'objet de la mathématique pure, puisque je les distingue. C'est ainsi qu'avec Descartes, avec René Descartes, on peut conclure que l'image numérique, pour ce en quoi elle est mathématique pure, aboutissement du système binaire, existe vraiment, existe davantage que toute autre représentation d'un objet analogique, d'une personne dont on ne peut avoir une compréhension claire et distincte.

Gustav : je trouvais de la contradiction à le percevoir distinctement.

Noëmie : René Descartes.

Mathieu : certes. Mais c'est du collage. C'est comme continuer une très ancienne conversation, juste parce que le silence serait trop agaçant. C'est du collage. C'est juste du collage car le silence serait trop angoissant.

Gustav : et qu'est que je pourrais faire d'autre ? 

Mathieu : regarder.

Gustav : que pourrais-je regarder ? Quelle image ? On passe des images, on passe des images numériques sur des écrans réfléchissant mais cela ne bloque pas le processus d'imagination.

Noëmie : une certaine application de la faculté cognitive.

Mathieu : c'est trop théâtral, ces didascalies sont trop théâtrales. On dirait un spectacle.

Gustav : un corps qui est intimement présent et donc existant.

Mathieu : le détournement de Descartes, ce n'est pas Descartes. 

Gustav : il ne s'agit pas de cela.

Mathieu : tu as raison. Le détournement de Descartes, c'est Descartes.

Noëmie : j'examine d'abord la différence qu'il y a entre l'imagination et la pure intellection.

Mathieu : Il n'y a aucune différence entre l'imagination et la pure intellection.

Gustav : je ne sais plus qui est Descartes.

Mathieu : c'est sans doute que la vie reprend, dans toute son étrangeté, dans toute sa capacité à imaginer.

Mathieu : nous sommes peut-être comme les trois lignes d'un triangle, à la fois produits de la mathématique pure, à la fois produits de l'imagination pure, imagination du regard, imagination de l'esprit.

Gustav : mais nous sommes trois images complexes sur ces trois écrans. Nous sommes des personnages habités d'images.

Noëmie : et c'est ce que j'appelle imaginer.

Gustav : Descartes.

Noëmie : j'aurais bien fini par le dire, que c'est Descartes, que la phrase est de Descartes.

Gustav : ne te vexe pas. Tu aurais bien fini par le dire que c'était Descartes. Et puis nous aurions pu nous en douter. Mais il ne s'agit pas de nous. Il ne s'agit jamais de nous. Ce n'est pas à nous que tu t'adresses.

Noëmie : parce que vous pensez que vous vous parlez l'un l'autre. Tu t'adresses à qui ? Tu t'adresses à qui sur ton écran de toile, image plane, image à peine sensible. Vous ne savez rien de ce que vous faites, vous ne savez rien de ce que vous dites.

Mathieu : mon image, cette image est projetée. Sa projection ne la destine à personne en particulier. Ce que je dis ne s'adresse donc à personne en particulier. Pourtant, ce n'est pas général. Tous les trois, nous formons une figure à trois côtés et nous sommes une abstraction que nous pouvons imaginer. Nos images projetées sont une figure à mille côtés, que nous ne pouvons pas imaginer de la même façon.

Noëmie : mille côtés. C'est Descartes, c'est le chiliogone de Descartes.

Gustav : cette fois tu l'as dit.