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Gustav |
Il est possible et même
souhaitable, sain, sainement souhaitable de s'éloigner
parfois, de s'éloigner un peu, voire beaucoup, du souvenir. Mais
après avoir éradiqué le souvenir, il faudrait pouvoir se déprendre de
l'imagination, cette folle du logis,
disait Malebranche. Elle peut tout, et surtout n'importe quoi, ramenant
avec elle les fantasmes les plus incongrus en apparence. Je peux ainsi assez bien
imaginer l'humanité
regardant le ciel d'une comète fulgurante qui détruirait
la terre. Et je souris comme à l'espoir d'une délivrance. De cette
frayeur jouissive, le
sens est perdu,
quand on le retrouve cependant dans les apocalypses têtues des textes
sacrés. J'ai autrefois fait profession d'imaginer. J'ai cessé, car, tout me semblait ambigu et
flou et je ne pouvais déterminer si je contenais le désespoir ou si je
contenais le désespoir. Il faut se garder de jouer au plus fin avec
son imagination. Même si La Rochefoucauld nous a appris que La
plus subtile
de toutes les finesses est de savoir bien feindre de tomber dans les
pièges que l'on nous tend, et on n'est jamais si aisément trompé que
quand on songe à tromper les autres. Avec l'imagination,
nous sommes le piégé et le piégeur, dans une boucle infinie qui ne peut
conduire qu'à la folie. |