Diégèse | |||||||||
dimanche 10 août 2014 | 2014 | ||||||||
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ce qui représente 26,9645% de la vie de l'auteur | deux mille huit cent vingt-sept semaines de vie | ||||||||
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La Fortune des Rougon2 | |||||||||
Chaque
parti a ses grotesques et ses infâmes. Antoine Macquart, rongé
d'envie et de haine, rêvant des vengeances contre la société entière,
accueillit la République comme une ère bienheureuse
où il lui serait
permis d'emplir ses poches dans la caisse du voisin, et même
d'étrangler le voisin, s'il témoignait le moindre mécontentement. Sa
vie de café, les articles de journaux qu'il avait lus sans les
comprendre, avaient fait de lui un terrible bavard qui émettait en
politique les théories les plus étranges du monde. Il faut avoir
entendu, en province, dans quelque estaminet, pérorer un de ces envieux
qui ont mal digéré leurs lectures, pour s'imaginer à quel degré de
sottise méchante en était arrivé Macquart. Comme il parlait
beaucoup,
qu'il avait servi et qu'il passait naturellement pour être un homme
d'énergie, il était très entouré, très écouté par les naïfs. Sans être
un chef de parti, il avait su réunir autour de lui un petit groupe
d'ouvriers qui prenaient ses fureurs jalouses pour des indignations
honnêtes et convaincues. Dès février, il s'était dit que Plassans lui appartenait, et la façon goguenarde dont il regardait, en passant dans les rues, les petits détaillants qui se tenaient, effarés, sur le seuil de leur boutique, signifiait clairement : « Notre jour est arrivé, mes agneaux, et nous allons vous faire danser une drôle de danse ! » Il était devenu d'une insolence incroyable ; il jouait son rôle de conquérant et de despote, à ce point qu'il cessa de payer ses consommations au café, et que le maître de l'établissement, un niais qui tremblait devant ses roulements d'yeux, n'osa jamais lui présenter la note. Ce qu'il but de demi-tasses, à cette époque, fut incalculable ; il invitait parfois les amis, et pendant des heures il criait que le peuple mourait de faim et que les riches devaient partager. Lui n'aurait pas donné un sou à un pauvre. |
Émile Zola 1870
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C'est ainsi que les idées de ceux qui voudraient partager les richesses sont, à peine nées, dévoyées par des parasites qui, les détournant à leur profit, leur enlèvent rapidement toute crédibilité dans le cœur des peuples. Antoine Macquart était de ces hommes qui font douter de l'altruisme et de l'espérance en un monde meilleur. Chaque époque voit malheureusement cette engeance prospérer et ce sont les mêmes qui s'engraissent sur la République qui s'engraisseront tout autant sous un autre régime et qui parviendront même, en temps de guerre étrangère, à pactiser avec l'ennemi pour se servir à sa table. Macquart avait cela pour lui que sa rouerie se lisait sur son visage et qu'il fallait être sot ou lâche pour croire un instant à ce qu'il racontait comme à ce qu'il pût avoir un jour du pouvoir. Le cafetier était à la fois sot et lâche. L'aubaine était trop bonne et Macquart en abusait. Mais la paresse infinie du personnage et son goût pour la chair et le vin se doublaient d'un autre défaut plus terrible encore. Macquart aimait voir souffrir. Qu'il passât devant un vieillard malade et sans le sou qui mendiait sa pitance, qu'il en ressentait une forme de contentement qui dépassait le soulagement de ne pas avoir à faire de même. Lui arrivait-il de croiser un mioche en larmes qui venait de recevoir une taloche que, s'il était certain de ne pas être vu, il lui décrochait un méchant coup de pied au derrière. Il allait même jusqu'à se poster non loin de l'église les jours d'enterrement pour voir les veufs et les enfants des défunts, éplorés et gémissants, tant il en ressentait une curieuse et inquiétante satisfaction. Si Macquart avait été religieux, il s'en serait confessé et il n'aurait pas fallu parier qu'alors le prêtre allât chercher un exorciste. Car, les forces qui agissaient en secret dans l'âme de Macquart et le poussaient dans chacune de ses actions ressemblaient trait pour trait aux forces du malin. |
Daniel Diégèse 2014
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10 août | |||||||||
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