Diégèse




mercredi 15 janvier 2014



2014
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La Fortune des Rougon2




Il s'assit sur le banc en homme qui consent à une longue attente. Il ne semblait même pas sentir le froid. Pendant près d'une demi-heure, il demeura immobile, les yeux fixés sur une masse d'ombre, songeur. Il s'était placé dans un coin noir ; mais, peu à peu, la lune qui montait le gagna et sa tête se trouva en pleine clarté.
C'était un garçon à l'air vigoureux, dont la bouche fine et la peau encore délicate annonçaient la jeunesse. Il devait avoir dix-sept ans. Il était beau, d'une beauté caractéristique.
Sa face maigre et allongée semblait creusée par le coup de pouce d'un sculpteur puissant ; le front montueux, les arcades sourcilières proéminentes, le nez en bec d'aigle, le menton fait d'un large méplat, les joues accusant les pommettes et coupées de plans fuyants, donnaient à la tête un relief d'une vigueur singulière. Avec l'âge, cette tête devait prendre un caractère osseux trop prononcé, une maigreur de chevalier errant. Mais, à cette heure de puberté, à peine couverte aux joues et au menton de poils follets, elle était corrigée dans sa rudesse par certaines mollesses charmantes, par certains coins de la physionomie restés vagues et enfantins.
Les yeux, d'un noir tendre, encore noyés d'adolescence, mettaient aussi de la douceur dans ce masque énergique
.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Certains visages portent ainsi tous les âges et l'on peut distinguer une vieillesse décharnée chez celui-là qui n'a pas vingt ans, un embonpoint assuré chez tel autre qui paraît maigre. Ce joli visage, sinon cette frimousse, va devenir ce visage alourdi par des chairs épaisses, quand celui-là, qui paraît grossier et presque disgracieux, va prendre avec l'âge une force séduisante. Car un visage est animé. Et c'est pourquoi tous les morts ont presque le même visage, sauf quand ils sont soumis au talent du croque-mort qui saura leur donner presque toute l'apparence de la vie.
Les jeunes muscles de son corps tendaient à ses mouvements la toile de ses vêtements épaissis par l'hiver, laissant deviner plus que dévoilant une musculature fine et nerveuse qui, nu, devait le laisser ressembler à l'écorché des salles de classe. Tout était dessiné à l'extrême chez ce jeune homme et, dès lors, son immobilité faisait figure d'affut pour une proie absente mais qui pouvait surgir. Ce corps aurait alors bondi comme le font les chats et nulle crainte que la proie aurait succombé à la jeune force animale de l'ombre immobilisée dans le faisceau de la lune montante.
Sa bouche seule, ourlée d'un duvet malhabile, pouvait trahir la tendresse.

Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










15 janvier






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