Diégèse | |||||||||
vendredi 24 janvier 2014 | 2014 | ||||||||
ce travail est commencé depuis 5138 jours (2 x 7 x 367 jours) | et son auteur est en vie depuis 19591 jours (11 x 13 x 137 jours) | ||||||||
ce qui représente 26,2263% de la vie de l'auteur | sept cent trente-quatre semaines d'écriture | ||||||||
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La Fortune des Rougon2 | |||||||||
Sous la ligne sombre des cheveux, le front, très bas, avait la forme et la couleur dorée d'un mince croissant de lune. Les yeux gros, à fleur de tête ; le nez court, large aux narines et relevé du bout ; les lèvres, trop fortes et trop rouges, eussent paru autant de laideurs si on les eût examinés à part. Mais, pris dans la rondeur charmante de la face, vus dans le jeu ardent de la vie, ces détails du visage formaient un ensemble d'une étrange et saisissante beauté. Quand Miette riait, renversant la tête en arrière et la penchant mollement sur son épaule droite, elle ressemblait à la Bacchante antique, avec sa gorge gonflée de gaieté sonore, ses joues arrondies comme celles d'un enfant, ses larges dents blanches, ses torsades de cheveux crépus que les éclats de sa joie agitaient sur sa nuque, ainsi qu'une couronne de pampres. Et, pour retrouver en elle la vierge, la petite fille de treize ans, il fallait voir combien il y avait d'innocence dans ses rires gras et souples de femme faite, il fallait surtout remarquer la délicatesse encore enfantine du menton et la pureté molle des tempes. Le visage de Miette, hâlé par le soleil, prenait, sous certains jours, des reflets d'ambre jaune. Un fin duvet noir mettait déjà au-dessus de sa lèvre supérieure une ombre légère. Le travail commençait à déformer ses petites mains courtes, qui auraient pu devenir, en restant paresseuses, d'adorables mains potelées de bourgeoise. |
Émile Zola 1870
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Athéna ou
Bacchante, il s'en fallait seulement d'un peu de
soleil et de quelques fruits de maraude. Il suffisait d'un rire ou d'un
mouvement délié et elle quittait alors le masque de la déesse pour
prendre celui de la femme, celui dans lequel un esprit enfiévré par la
crainte atavique de l'utérus fécond finit toujours par voir une
sorcière. C'est de cette hésitation ancestrale entre la fille et la
femme, entre la vierge et la rouée, entre la mère et la maîtresse que
se nourrissent les récits des mâles. Il suffit ensuite de quelques
batailles et d'un peu de temps qui passe pour que ces récits, répétés
et transmis de générations en générations fassent les mythes des
nations. Silvère regardait Miette, ignorant de tout cela, et ne sachant rien dire de plus que ce qu'il avait dit déjà. Lui aussi prenait une figure mythologique, celle maintes fois répétée à travers tous les temps de l'homme qui part vers une guerre incertaine et qui vient l'annoncer à celle, mère ou épouse et parfois promise, qui sera, parfois à jamais, le témoin de son destin naissant. Il ne se dit rien, ou presque, dans ces scènes que les temps affectionnent, où la femme, déjà mère ou pas encore nubile, vit ou revit le chagrin nécessaire de la délivrance. « Il faut y aller maintenant », murmure-t-elle enfin, parfois dans un sanglot, et les embrassades qui s'en suivent signent le soulagement que la scène de la séparation glorieuse, mais jouée et rejouée, soit enfin terminée. |
Daniel Diégèse 2014
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24 janvier | |||||||||
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