Diégèse




samedi 5 juillet 2014



2014
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La Fortune des Rougon2




Cependant, le marquis gardait toujours son mystérieux sourire en regardant Félicité. Ce petit vieux était bien trop fin pour ne pas comprendre où allait la France. Un des premiers, il flaira l'Empire. Plus tard, quand l'Assemblée législative s'usa en vaines querelles, quand les orléanistes et les légitimistes eux-mêmes acceptèrent tacitement la pensée d'un coup d'État, il se dit que décidément la partie était perdue. D'ailleurs, lui seul vit clair. Vuillet sentit bien que la cause d'Henri V, défendue par son journal, devenait détestable ; mais peu lui importait ; il lui suffisait d'être la créature obéissante du clergé ; toute sa politique tendait à écouler le plus possible de chapelets et d'images saintes.
Quant à
Roudier et à Granoux, ils vivaient dans un aveuglement effaré ; il n'était pas certain qu'ils eussent une opinion ; ils voulaient manger et dormir en paix, là se bornaient leurs aspirations politiques. Le marquis, après avoir dit adieu à ses espérances, n'en vint pas moins régulièrement chez les Rougon. Il s'y amusait. Le heurt des ambitions, l'étalage des sottises bourgeoises, avaient fini par lui offrir chaque soir un spectacle des plus réjouissants. Il grelottait à la pensée de se renfermer dans son petit logement, dû à la charité du comte de Valqueyras. Ce fut avec une joie malicieuse qu'il garda pour lui la conviction que l'heure des Bourbons n'était pas venue. Il feignit l'aveuglement, travaillant comme par le passé au triomphe de la légitimité, restant toujours aux ordres du clergé et de la noblesse. Dès le premier jour, il avait pénétré la nouvelle tactique de Pierre, et il croyait que Félicité était sa complice.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
S'il avait été encore plus fin, il aurait su que de tactique, ni Pierre ni Félicité n'en avaient et qu'ils n'étaient en rien différents de Roudier et Granoux si ce n'était que ces derniers avaient de la fortune quand le couple Rougon aspirait à en avoir. Ils suivaient les ordres d'Eugène. De fait, le seul investissement rentable des anciens marchands d'huile avait été, quoi qu'ils en eussent pensé, l'éducation qu'ils avaient donné à leurs fils. S'ils n'avaient pas fait naître dans leurs jeunes âmes ce sentiment de déclassement en ouvrant leurs yeux sur le monde, ils n'auraient eu aucun espoir de sortir de leur condition de rentiers miséreux.
Cette forme de calcul devrait inspirer les gouvernements et les États. Si les gouvernants veulent vivre une retraite paisible, plutôt que de se lancer dans de savantes combinaisons économiques et militaires qui ont toutes les chances de s'échouer pitoyablement, ils n'ont qu'à investir, et investir beaucoup, dans l'éducation de la jeunesse du pays. Seul cet investissement sera de nature à leur garantir de vieux jours tranquilles. Toute l'histoire tend à montrer que ce théorème-là ne se dément pas. l'Église n'a vraiment jamais fait autre chose que d'investir dans des écoles et dans des séminaires. C'est même là l'essentiel de son activité et cela, malgré les vicissitudes qui, temporelles, demeurent de courte durée, lui a plutôt réussi. Elle-même a été à la leçon du peuple juif qui se rassemble dans l'enseignement des Saintes écritures. Et après une conquête militaire éclair, c'est par l'enseignement du Coran que l'Islam s'est installé. L'école de la République est la seule institution qui peut sauver la République.

Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










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