Diégèse




jeudi 29 mai 2014



2014
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La Fortune des Rougon2




À cette époque, les Rougon traversaient une curieuse crise de vanité et d'appétits inassouvis. Leurs quelques bons sentiments s'aigrissaient. Ils se posaient en victimes du guignon, sans résignation aucune, plus âpres et plus décidés à ne pas mourir avant de s'être contentés. Au fond, ils n'abandonnaient aucune de leurs espérances, malgré leur âge avancé ; Félicité prétendait avoir le pressentiment qu'elle mourrait riche. Mais chaque jour de misère leur pesait davantage. Quand ils récapitulaient leurs efforts inutiles, quand ils se rappelaient leurs trente années de lutte, la défection de leurs enfants, et qu'ils voyaient leurs châteaux en Espagne aboutir à ce salon jaune dont il fallait tirer les rideaux pour en cacher la laideur, ils étaient pris de rages sourdes. Et alors, pour se consoler, ils bâtissaient des plans de fortune colossale, ils cherchaient des combinaisons ; Félicité rêvait qu'elle gagnait à une loterie le gros lot de cent mille francs ; Pierre s'imaginait qu'il allait inventer quelque spéculation merveilleuse. Ils vivaient dans une pensée unique : faire fortune, tout de suite, en quelques heures ; être riches, jouir, ne fut-ce que pendant une année. Tout leur être tendait à cela, brutalement, sans relâche. Et ils comptaient encore vaguement sur leurs fils, avec cet égoïsme particulier des parents qui ne peuvent s'habituer à la pensée d'avoir envoyé leurs enfants au collège sans aucun bénéfice personnel.
La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Les Rougon démentaient ainsi l'adage qui voudrait que l'on devînt sage avec l'âge. À l'évidence, ils n'avaient plus l'âge de prendre leurs rêves pour la réalité et ils étaient même assez avancés pour devoir se consacrer au renoncement. Ils n'auraient même pas eu à abandonner leur aigreur, ni leurs regrets. Mais il n'en était rien. Ils continuaient à souffrir de leur pauvreté et entretenaient cette souffrance comme s'ils ne pouvaient s'en défaire. C'est d'ailleurs une des curiosités de cette race humaine qui, de la création, est certainement la seule à choyer ce qui la fait souffrir. Il faudra certainement qu'un jour, un savant comme le Docteur Pascal, mais qui serait un savant de l'âme, étudie cette bizarrerie qui fait que l'homme amoureux souffre et prolonge sa souffrance et ne souhaite même que son éternité. Il faudrait étudier le cas de ces pauvres femmes, dont était Adélaïde, qui aiment leurs bourreaux et paraissent ne pas pouvoir se passer des volées qu'elles reçoivent. Il en va aussi des hommes qui se livrent parfois chez les filles de joie à des pratiques curieuses de coups et d'entraves qui dépassent très largement les limites de la bienséance. Les Rougon avaient avec l'argent ce genre de rapports paradoxaux. Depuis plus de trente années, rien sinon l'argent ne les faisait souffrir. Pourtant, ils lui restaient désespérément fidèles. Une des preuves s'il en fallait de cette folie était que soudainement couverts d'or, ils n'auraient su qu'en faire.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










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