Diégèse | |||||||||
vendredi 7 novembre 2014 | 2014 | ||||||||
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La Fortune des Rougon2 | |||||||||
Cependant, ils
restaient inquiets ; ils allaient rentrer à la mairie
très préoccupés, tout en feignant de hausser les épaules et tout en
traitant Roudier
de poltron et de visionnaire, lorsque Rougon, qui
avait à cœur de rassurer pleinement ses amis, eut l'idée de leur offrir
le spectacle de la plaine, à plusieurs lieues. Il conduisit la
petite
troupe dans le quartier Saint-Marc et vint frapper à
l'hôtel Valqueyras. Le comte, dès les premiers troubles, était parti pour son château de Corbière. Il n'y avait à l'hôtel que le marquis de Carnavant. Depuis la veille, il s'était prudemment tenu à l'écart, non pas qu'il eût peur, mais parce qu'il lui répugnait d'être vu, tripotant avec les Rougon, à l'heure décisive. Au fond, la curiosité le brûlait ; il avait dû s'enfermer, pour ne pas courir se donner l'étonnant spectacle des intrigues du salon jaune. Quand un valet de chambre vint lui dire, au milieu de la nuit, qu'il y avait en bas des messieurs qui le demandaient, il ne put rester sage plus longtemps, il se leva et descendit en toute hâte. « Mon cher marquis, dit Rougon en lui présentant les membres de la commission municipale, nous avons un service à vous demander. Pourriez-vous nous faire conduire dans le jardin de l'hôtel ? – Certes, répondit le marquis étonné, je vais vous y mener moi-même. » Et, chemin faisant, il se fit conter le cas. Le jardin se terminait par une terrasse qui dominait la plaine ; en cet endroit, un large pan des remparts s'était écroulé, l'horizon s'étendait sans bornes. Rougon avait compris que ce serait là un excellent poste d'observation. Les gardes nationaux étaient restés à la porte. Tout en causant, les membres de la commission vinrent s'accouder sur le parapet de la terrasse. |
Émile Zola 1870
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L'hôtel de Valqueyras n'était pas la demeure la plus luxueuse de Plassans. Les Valqueyras, comme les Carnavant, appartenaient à cette noblesse provençale qui paraît riche car elle possède des terres depuis des siècles et qu'elle a construit pierre à pierre des demeures qu'elle a rendues confortables. La féodalité provençale, dès le Moyen-Âge, avait ses propres règles qui différaient de celles du royaume de France. En conséquence, la révolution française s'y déroula autrement qu'à Paris. La Terreur y fut mal accueillie et les Toulonnais envoyèrent à la mort un préfet jacobin qui avait l'exécution facile, avant que Napoléon Bonaparte n'envoyât plus de douze mille d'entre-eux au bagne. Le nom de Toulon fut même effacé un temps pour celui de Port la Montagne, tant les révolutionnaires aimaient à signifier les temps nouveaux par des appellations nouvelles. De la révolution, les nobles de Plassans avaient gardé l'habitude prudente de se réfugier dans leurs châteaux sur leurs terres dès que le moindre trouble venait à survenir. Ces châteaux avaient d'ailleurs tout de forteresses et leur donnaient une meilleure protection, même si les hôtels particuliers du quartier Saint-Marc pouvaient tous tenir plusieurs jours de sièges. On y pénétrait par des rues étroites qui alignaient les façades austères percées de peu de fenêtres par lesquelles le jour parvenait à peine à percer. Dès le seuil, il fallait monter à l'étage par des escaliers droits fermés par des portes solides, si bien qu'en cas de nécessité, il était très facile de se barricader. Aucun recul ne permettait d'enfoncer la porte de la rue et, si l'on y parvenait, on se trouvait face à une volée d'escaliers abrupts. on accédait ensuite à la terrasse qui prolongeait une façade aux larges baies encadrées de volets qui contrastait avec la raideur de la façade de la rue. |
Daniel Diégèse 2014
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L'étrange
spectacle qui se déroula alors devant eux les rendit muets.
Au loin, dans la vallée de la Viorne, dans ce creux
immense qui
s'enfonçait, au couchant, entre la chaîne des Garrigues et les
montagnes de la Seille, les lueurs de
la lune coulaient comme un fleuve
de lumière pâle. Les bouquets d'arbres, les rochers
sombres faisaient,
de place en place, des îlots, des langues de terre, émergeant de la mer
lumineuse. Et l'on distinguait, selon les coudes de
la Viorne, des
bouts, des tronçons de rivière, qui se
montraient, avec des reflets
d'armures,
dans la fine poussière d'argent qui tombait du ciel. C'était
un océan, un monde, que la nuit, le froid, la peur secrète,
élargissaient à l'infini. Ces messieurs n'entendirent, ne virent
d'abord rien. Il y avait dans le ciel un frisson de lumière et de voix
lointaines qui les assourdissait et les aveuglait. Granoux,
peu
poète
de sa nature, murmura cependant, gagné par la paix sereine de cette
nuit d'hiver : « La belle nuit, messieurs ! – Décidément, Roudier a rêvé », dit Rougon avec quelque dédain. |
Émile Zola 1870
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Les habitués du salon Jaune n'étaient que très rarement reçus par le marquis de Carnavant qui, d'ailleurs, ne disposait que de l'étage le plus élevé de l'hôtel particulier. Il voulait bien aller se compromettre chez les Rougon, sous couvert de la rumeur de paternité de Félicité, qu'il entretenait complaisamment. Cette compromission, cependant, n'allait pas jusqu'à recevoir ses hôtes en retour, et moins encore la bande de réactionnaires sans panache et sans titre qui fréquentait la maison de sa fille putative. Rougon lui même ne connaissait la terrasse de l'hôtel Valqueyras que depuis le pied des remparts et c'est par déduction qu'il en avait conclu que l'on devait y avoir une vue grandiose. Jeune homme, il y avait parfois vu, se promenant depuis le faubourg, la comtesse de Valqueyras se tenir en robe blanche à la balustrade, figée dans la contemplation du paysage, se protégeant du soleil, dès le printemps, par une ombrelle au manche de canne et l'adolescent d'alors, pourtant sans grande imagination, s'était promis de fréquenter un jour ce qui lui semblait un paradis sur terre. La vue était en effet magnifique. |
Daniel Diégèse 2014
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7 novembre | |||||||||
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