Diégèse




dimanche 19 octobre 2014



2014
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La Fortune des Rougon2




Au bout d'une heure, ils se retrouvèrent dans le hangar, situé au fond d'un quartier perdu, Ils étaient allés discrètement, de porte en porte, étouffant le bruit des sonnettes et des marteaux, racolant le plus d'hommes possible. Mais ils n'avaient pu en réunir qu'une quarantaine, qui arrivèrent à la file, se glissant dans l'ombre, sans cravate, avec les mines blêmes et encore tout endormies de bourgeois effarés. Le hangar, loué à un tonnelier, se trouvait encombré de vieux cercles, de barils effondrés, qui s'entassaient dans les coins.
Au milieu, les fusils étaient couchés dans trois caisses longues
. Un rat de cave, posé sur une pièce de bois, éclairait cette scène étrange d'une lueur de veilleuse qui vacillait.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Il n'y avait en sorte rien de plus lamentable que ces pauvres gens installés douillettement chez eux et qui, de crainte de perdre quelque rente que personne, d'ailleurs, n'avait jamais songé à leur disputer, se trouvaient ainsi, par une de ces froides nuits de l'hiver provençal où le midi se glace et se fige, autour de quelques fusils, eux qui, jamais, n'en avaient manié aucun.Ils faisaient ainsi l'effet de ces figurants de théâtre ramassés à la hâte et qui, l'air ahuri, se déplacent du jardin à la rue sans rien comprendre à l'intrigue de la pièce que les comédiens jouent pourtant devant eux. Cette quarantaine d'hommes, dont certains masquaient leur grelottement, ne sachant pas eux-mêmes s'ils devaient l'attribuer au froid ou à la peur, n'auraient pas sauvé un village d'un péril causé par des enfants.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014
Quand Rougon eut retiré les couvercles des trois caisses, ce fut un spectacle d'un sinistre grotesque. Au-dessus des fusils, dont les canons luisaient, bleuâtres et comme phosphorescents, des cous s'allongeaient, des têtes se penchaient avec une sorte d'horreur secrète, tandis que, sur les murs, la clarté jaune du rat de cave dessinait l'ombre de nez énormes et de mèches de cheveux roidies.
Cependant la bande
réactionnaire se compta, et, devant son petit nombre, elle eut une hésitation. On n'était que trente-neuf, on allait bien sûr se faire massacrer ; un père de famille parla de ses enfants ; d'autres, sans alléguer de prétexte, se dirigèrent vers la porte. Mais deux conjurés arrivèrent encore ; ceux-là demeuraient sur la place de l'Hôtel-de-Ville, ils savaient qu'il restait, à la mairie, au plus une vingtaine de républicains. On délibéra de nouveau.
Quarante et un contre vingt parut un chiffre possible. La distribution des armes se fit au milieu d'un petit frémissement
.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Les armes, à qui n'a jamais connu le feu, provoque toujours une forme d'excitation que l'Église, si elle était plus clairvoyante, condamnerait sévèrement comme elle croit bon de condamner l'onanisme et l'adultère. Car, ce trouble qui prend certains hommes au contact d'une arme, ne devrait pas plaire aux promoteurs de la chasteté. Ainsi, ces hommes qui, l'instant d'avant étaient dans leur lit, dont certains n'avaient vu aucun insurgé et n'avaient même entendu aucun bruit et qui avaient une conscience vague de ce que pouvait être cette fameuse constitution que l'insurrection défendait, se trouvaient rajeunis soudainement, comme rajeunit les hommes et les femmes un amour inattendu qui vient sur le tard. Certains croyaient bon de prendre une pose martiale, comme à la parade ou au défilé. D'autres, prudents, se tenaient à l'écart, se disant qu'avec de pareils soldats, un coup inattendu pouvait bien  partir de façon inopinée. et là encore, on aurait dit un très mauvais théâtre, ou alors un théâtre qui n'aurait aucun souci de véracité et dont l'intrigue aurait basculé dans le grotesque.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014
C'était Rougon qui puisait dans les caisses, et chacun, en recevant son fusil, dont le canon, par cette nuit de décembre, était glacé, sentait un grand froid le pénétrer et le geler jusqu'aux entrailles. Les ombres, sur les murs, prirent des attitudes bizarres de conscrits embarrassés, écartant leurs dix doigts. Pierre referma les caisses avec regret ; il laissait là cent neuf fusils qu'il aurait distribués de bon cœur ; ensuite il passa au partage des cartouches. Il y en avait, au fond de la remise, deux grands tonneaux, pleins jusqu'aux bords, de quoi défendre Plassans contre une armée. Et, comme ce coin n'était pas éclairé, et qu'un de ces messieurs apportait le rat de cave, un autre des conjurés – c'était un gros charcutier qui avait des poings de géant – se fâcha, disant qu'il n'était pas du tout prudent d'approcher ainsi la lumière. On l'approuva fort. Les cartouches furent distribuées en pleine obscurité. Ils s'en emplirent les poches à les faire crever. Puis, quand ils furent prêts, quand ils eurent chargé leurs armes avec des précautions infinies, ils restèrent là un instant, à se regarder d'un air louche, en échangeant des regards où de la cruauté lâche luisait dans de la bêtise.
La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
C'était une bien piètre troupe qui s'en allait défendre, par avance piteusement, une bien mauvaise cause. Contrairement aux insurgés, et contrairement même aux soldats de l'armée régulière, il n'y avait chez ces hommes-là aucune envie d'en découdre avec qui que ce fût. S'ils avaient alors été pris par la gendarmerie et interrogés sur leurs motivations, la plus part de ces quarante bonshommes n'eussent pas su bredouiller deux raisons audibles. Ils étaient là parce qu'ils étaient contre la République et contre les républicains. Les raisons pour lesquelles ils étaient ainsi contre la République s'inscrivaient dans l'histoire longue plus que dans celle des récents événements parisiens. Plusieurs craintes flottaient ensemble dans leurs esprits mal dégrossis. Certains craignaient le retour de la terreur et des exécutions en masse ordonnées par des révolutionnaires sanguinaires et intransigeants. D'autres, les plus jeunes, redoutaient de nouvelles guerres étrangères, sans se souvenir d'ailleurs que les guerres les plus lointaines et les plus longues avaient été décidées par un Bonaparte. D'autres enfin, et c'étaient les plus nombreux, étaient là parce qu'ils n'étaient ni paysans, ni ouvriers et qu'ils ne voulaient pas le devenir.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










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