Diégèse




samedi 6 septembre 2014



2014
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La Fortune des Rougon2




À cette époque, Miette devenait femme déjà. D'une puberté précoce, elle résista au martyre avec une énergie extraordinaire. Elle s'abandonnait rarement, seulement aux heures où ses fiertés natives mollissaient sous les outrages de son cousin. Bientôt elle supporta d'un œil sec les blessures incessantes de cet être lâche, qui la surveillait en parlant, de peur qu'elle ne lui sautât au visage. Puis, elle savait le faire taire, en le regardant fixement. Elle eut, à plusieurs reprises, l'envie de se sauver du Jas-Meiffren. Mais elle n'en fit rien, par courage, pour ne pas s'avouer vaincue sous les persécutions qu'elle endurait. En somme, elle gagnait son pain, elle ne volait pas l'hospitalité des Rébufat ; cette certitude suffisait à son orgueil. Elle resta ainsi pour lutter, se roidissant, vivant dans une continuelle pensée de résistance. Sa ligne de conduite fut de faire sa besogne en silence et de se venger des mauvaises paroles par un mépris muet.
La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
C'était un curieux spectacle que de voir cette grande fille fixer d'un air implacable ces deux hommes veules. Elle semblait avoir sur eux un ascendant féroce qui ne lui était donné ni par son âge, ni par sa condition. Aussi petite fût-elle, elle avait bien observé comment procédait sa défunte tante Eulalie pour faire taire son mari et son fils. Issue du même sang, elle mettait à profit les leçons que la pauvre femme, bien involontairement, lui avait données. Ainsi ,peu à peu, le traitement infligé par les Rébufat avait sur la jeune Miette l'effet inverse de celui qu'ils auraient attendu. Plus ils la malmenaient, plus elle devenait forte. Il ne faudrait cependant pas  penser ni croire qu'un tel comportement puisse être érigé en principe d'éducation. Aucune éducation Rousseau l'a bien montré, ne pourra jamais se fonder sur la contrainte et les mauvais traitements. Mais, certains êtres forgent leur force dans l'adversité à laquelle ils doivent faire face. On l'a souvent observé.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014
Elle savait que son oncle abusait trop d'elle pour écouter aisément les insinuations de Justin, qui rêvait de la faire jeter à la porte. Aussi, mettait-elle une sorte de défi à ne pas s'en aller d'elle-même. Ses longs silences volontaires furent pleins d'étranges rêveries. Passant ses journées dans l'enclos, séparée du monde, elle grandit en révoltée, elle se fit des opinions qui auraient singulièrement effarouché les bonnes gens du faubourg. La destinée de son père l'occupa surtout. Toutes les mauvaises paroles de Justin lui revinrent ; elle finit par accepter l'accusation d'assassinat, par se dire que son père avait bien fait de tuer le gendarme qui voulait le tuer. Elle connaissait l'histoire vraie de la bouche d'un terrassier qui avait travaillé au Jas-Meiffren. À partir de ce moment, elle ne tourna même plus la tête, les rares fois qu'elle sortait, lorsque les vauriens du faubourg la suivaient en criant :
« Eh !
la Chantegreil ! » Elle pressait le pas, les lèvres serrées, les yeux d'un noir farouche. Quand elle refermait la grille, en rentrant, elle jetait un seul et long regard sur la bande des galopins. Elle serait devenue mauvaise, elle aurait glissé à la sauvagerie cruelle des parias, si parfois toute son enfance ne lui était revenue au cœur. Ses onze ans la jetaient à des faiblesses de petite fille qui la soulageaient. Alors, elle pleurait, elle était honteuse d'elle et de son père. Elle courait se cacher au fond d'une écurie pour sangloter à l'aise, comprenant que, si l'on voyait ses larmes, on la martyriserait davantage. Et quand elle avait bien pleuré, elle allait baigner ses yeux dans la cuisine, elle reprenait son visage muet. Ce n'était pas son intérêt seul qui la faisait se cacher ; elle poussait l'orgueil de ses forces précoces jusqu'à ne plus vouloir paraître une enfant. À la longue, tout devait s'aigrir en elle. Elle fut heureusement sauvée, en retrouvant les tendresses de sa nature aimante.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
L'enclos était tout son monde. Il avait sa ville capitale, qui était la maison de Rébufat ; ses faubourgs industrieux : les écuries et l'étable ; ses campagnes qui fleurissaient au printemps et dont les platanes le long du chemin perdaient leurs feuilles en hiver. L'enfant jouait pendant ses rares instants de liberté à parcourir ce monde qu'elle avait transformé, comme le font tous les enfants, en monde magique. Il accueillait ses rêveries, son goût pour l'aventure. C'est ainsi que les enfants échappent à la dureté des adultes. Car, les adultes, quelle que soit leur bienveillance à l'égard des enfants, oublient le plus souvent que ce sont des personnes qui comprennent tout autant qu'eux les situations, les problèmes et les joies. Certains, pour donner le change et pour gagner la paix font semblant d'être demeurés et jouent le plus souvent à l'enfant, gardant le plus longtemps possible une voix de crécelle et des gaucheries dans les gestes et la tournure. D'autres s'enfoncent dans le silence, attendant avec plus ou moins de patience que le temps passe et que vienne celui de leur âge adulte. Le plus curieux est que l'on pourrait penser que les adultes se souviennent de ce qu'ils ont enduré arrivés à l'âge où ils ont eux-mêmes des enfants et doivent les éduquer. Il n'en est rien. Ils refont ce que leurs parents faisaient avec eux, gazouillant gentiment pendant que leur bambin pense à autre chose. L'espèce humaine est en cela étrange. Les espèces animales gardent pour certaines d'entre-elles des liens de filiation tout au long de leur vie. Les mères, à la naissance, prodiguent aux petits les soins nécessaires à leur survie et à leur croissance. Puis les petits deviennent autonomes après un apprentissage plus ou moins long. Aucune espèce ne continue à prodiguer les tendresses de l'enfance aux petits devenus grands. Il est vrai qu'aucune d'entre-elles ne brutalise sans raison sa progéniture.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










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