Diégèse




jeudi 25 septembre 2014



2014
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La Fortune des Rougon2




Enfin les beaux jours revinrent, avril amena des nuits douces, l'herbe de l'allée verte grandit follement. Dans ce flot de vie coulant du ciel et montant du sol, au milieu des ivresses de la jeune saison, parfois les amoureux regrettèrent leur solitude d'hiver, les soirs de pluie, les nuits glacées, pendant lesquels ils étaient si perdus, si loin de tous bruits humains. Maintenant, le jour ne tombait plus assez vite ; ils maudissaient les longs crépuscules et, lorsque la nuit était devenue assez noire pour que Miette pût grimper sur le mur sans danger d'être vue, lorsqu'ils étaient enfin parvenus à se glisser dans leur cher sentier, ils n'y trouvaient plus l'isolement qui plaisait à leur sauvagerie d'enfants amoureux. L'aire Saint-Mittre se peuplait, les gamins du faubourg restaient sur les poutres à se poursuivre, à crier, jusqu'à onze heures ; il arriva même parfois qu'un d'entre eux vint se cacher derrière les tas de planches, en jetant à Miette et à Silvère le rire effronté d'un vaurien de dix ans. La crainte d'être surpris, le réveil, les bruits de la vie qui grandissaient autour d'eux, à mesure que la saison devenait plus chaude, rendirent leurs entrevues inquiètes.
La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Il y avait aussi que le petit chat qui les avait trouvés cette nuit de pluie et de froid avait grandi et était devenu, curieusement, non pas un de ces matous qui hantaient les planches de l'aire Saint-Mittre, mais une très jolie petite chatte qui, comme sa maîtresse adoptée, devenait très vite une chatte adulte. Miette, par jeu, et pour faire rire Silvère, l'avait appelée de son nom de baptême. Silvère avait craint qu'appeler une chatte « Marie » ne fût un péché suffisamment sérieux pour que Dieu lui même descendît sur la terre pour les en punir. Mais, Miette le convainquit qu'il n'en était rien, et que la petite Marie, chatte de son état, était tout autant que lui et qu'elle-même une créature de Dieu. Silvère, qui avait lu beaucoup de livres faisant profession d'être des livres raisonnables, se rendit à cet avis, trouvant cependant étrange d'appeler une jeune chatte par le nom véritable de son amoureuse. Les jours de soleil, Marie, la chatte, sommeillait sur la pierre tombale du mur du Jas-Meiffren et Silvère ne pouvait s'empêcher de trouver étrange la situation qui voulait qu'une jeune chatte dormît sur une pierre tombale gravée du nom qui lui avait été donné.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014
Puis, ils commençaient à étouffer dans l'allée étroite.
Jamais elle n'avait frissonné d'un si ardent frisson ; jamais le sol, ce terreau où dormaient les derniers ossements de l'ancien cimetière, n'avait laissé échapper des haleines plus troublantes. Et ils avaient encore trop d'enfance pour goûter le charme voluptueux de ce trou perdu, tout enfiévré par le printemps. Les herbes leur montaient aux genoux ; ils allaient et venaient difficilement et, quand ils écrasaient les jeunes pousses, certaines plantes exhalaient des odeurs âcres qui les grisaient. Alors, pris d'étranges lassitudes, troublés et vacillants, les pieds comme liés par les herbes, ils s'adossaient contre la muraille, les yeux demi-clos, ne pouvant plus avancer. Il leur semblait que toute la langueur du ciel entrait en eux
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La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Ce sont ces printemps de soleils gorgés d'eau qui ont permis aux anciens de découvrir, patiemment, d'années en années, de printemps en printemps, les vertus des plantes et, peu à peu, de construire patiemment des classifications grâce auxquelles, et à la demande, ils pouvaient endormir une rage de dent, calmer le feu d'une brûlure ou accélérer singulièrement la cicatrisation d'un blessure profonde. Ces vieillards savants que l'on voit sur les gravures penchés sur des grimoires, ou, en plein effort de cueillettes des simples, ont été tout d'abord des jeunes gens enivrés par le printemps, goûtant au hasard d'une promenade au fond d'un jardin, les puissances de plantes aromatiques, cachant sous un aspect ordinaire toutes leurs capacités. Mais Miette et Silvère ne savaient rien de cela, si ce n'était leur trouble.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014
Leur pétulance d'écolier s'accommodant mal de ces faiblesses subites, ils finirent par accuser leur retraite de manquer d'air et par se décider à aller promener leur tendresse plus loin, en pleine campagne. Alors ce furent, chaque soir, de nouvelles escapades. Miette vint avec sa pelisse ; tous deux s'enfouissaient dans le large vêtement, ils filaient le long des murs, ils gagnaient la grand-route, les champs libres, les champs larges où l'air roulait puissamment comme les vagues de la haute mer. Et ils n'étouffaient plus, ils retrouvaient là leur enfance, ils sentaient se dissiper les tournoiements de tête, les ivresses que leur causaient les herbes hautes de l'aire Saint-Mittre.
La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
La campagne de Provence, bienveillante pour ces enfants et qui, même la nuit, paraît comme éclairée tant le ciel est pur, se faisait une aire de jeux. Les sentiers, nombreux et ancestraux, jouaient à se rejoindre pour leur offrir des promenades variées sans pour autant les égarer. La brise ne forçait contre eux jamais le ton et demeurait ce que sont les brises d'été : des caresses qui aident les enfants à s'endormir. Miette et Silvère, pendant ces longues soirées de marches et de rires, étaient les princes du pays. Un observateur attentif eût sans doute pu remarquer, à leur passage, que les arbres mêmes se penchaient doucement en signe d'amitié et de reconnaissance pour un si joli spectacle.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










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