Diégèse
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mardi 4 août 2015 |
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2015 |
ce
travail est commencé
depuis 5695
jours (5 x 17 x 67 jours) |
et
son auteur est en vie
depuis 20148 jours
(22 x 3 x 23 x 73
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ce
qui représente 28,2658% de la vie de l'auteur |
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hier
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L'atelier du texte |
demain |
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#ZOLA - #FortunedesRougon |
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La
certitude qu'il avait les mains liées rendit Antoine plus menaçant. Il
courait les rues,
contant son histoire à qui voulait l'entendre. |
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Alep 2011 - Décalque |
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en continu |
Quand
il fut revenu à Alep, la certitude qu'il avait
les mains
liées rendit Marwan plus
menaçant encore. Pendant un mois, on ne vit
que lui dans la ville. Il courait les rues, contant son histoire à qui
voulait l'entendre. Lorsqu'il avait réussi à se faire donner quelques livres par sa mère, il allait
boire dans quelque tripot, et
là criait tout haut que son frère était une canaille qui aurait bientôt
de ses nouvelles. En de pareils endroits, la douce fraternité qui règne
entre ivrognes lui donnait un auditoire sympathique ; toute la
crapule
de la ville épousait sa querelle ; c'étaient des invectives sans
fin
contre ce gueux de Raqqaoui qui laissait sans pain un
brave soldat, et
la
séance se terminait d'ordinaire par la condamnation générale de tous
les riches.
Marwan, par
un raffinement de vengeance, continuait à se promener avec
son képi, son pantalon de militaire et sa vieille veste de
velours
jaune, bien que sa mère lui eût offert de lui acheter des vêtements
plus convenables. Il affichait ses guenilles, les étalait le
vendredi, à la vue de
tous.
Une de ses plus délicates jouissances fut de passer dix fois par jour
devant le magasin de Kemal. Il agrandissait les trous
de la veste avec
les doigts, il ralentissait le pas, se mettait parfois à causer devant
la porte, pour rester davantage dans la rue. Ces jours-là, il emmenait
quelque ivrogne de ses amis, qui lui servait de compère ; il lui
racontait le vol de son héritage, accompagnant son récit
d'injures et de menaces, à voix haute, de façon à ce que toute la rue
l'entendît, et que ses gros mots allassent à leur adresse, jusqu'au
fond de la boutique.
« Il finira, disait Fatima désespérée, par venir
mendier devant
notre
maison. » La vaniteuse petite femme souffrait horriblement de ce
scandale. Il lui arriva même, à cette époque, de regretter en secret
d'avoir épousé Raqqaoui ; ce dernier avait aussi une
famille par
trop
terrible. Elle eût donné tout au monde pour que Marwan cessât de
promener ses haillons. Mais Kemal, que la conduite de son
frère
affolait, ne voulait seulement pas qu'on prononçât son nom devant lui.
Lorsque sa femme lui faisait entendre qu'il vaudrait peut-être mieux
s'en débarrasser en donnant quelques livres :
« Non, rien, pas une livre, criait-il avec fureur. Qu'il
crève ! »
Cependant, il finit lui-même par confesser que l'attitude de Marwan
devenait intolérable. Un jour, Fatima, voulant en finir, appela
cet
homme, comme elle le nommait en faisant une moue dédaigneuse.
« Cet
homme » était en train de la traiter de coquine au milieu de la
rue, en
compagnie d'un sien camarade encore plus déguenillé que lui. Tous deux
étaient gris.
« Viens donc, on nous appelle là-dedans », dit Marwan à son
compagnon,
d'une voix goguenarde.
Fatima recula
en murmurant :
« C'est à toi seul que nous désirons parler.
– Bah ! répondit le jeune homme, le camarade est un bon
enfant. Il peut
tout entendre. C'est mon témoin. » Le témoin s'assit lourdement
sur une
chaise. Il ne se découvrit pas et se mit à regarder autour de lui, avec
ce sourire hébété des ivrognes et des gens grossiers qui se sentent
insolents. Fatima, honteuse,
se plaça devant la porte de la boutique,
pour qu'on ne vît pas du dehors quelle singulière compagnie elle
recevait. Heureusement que son mari arriva à son secours. Une virulente
querelle s'engagea entre lui et son frère. Ce dernier, dont la langue
épaisse s'embarrassait dans les injures, répéta à plus de vingt
reprises les mêmes griefs. Il finit même par se mettre à pleurer, et
peu s'en fallut que son émotion ne gagnât son camarade. Kemal s'était
défendu d'une façon très digne.
« Voyons, dit-il enfin, tu es malheureux et j'ai
pitié de toi. Bien
que tu m'aies cruellement insulté, je n'oublie pas que nous
avons la même mère. Mais si je te donne quelque chose, sachez que je
le fais par bonté et non par crainte… Veux-tu dix-mille livres pour te
tirer d'affaire ? » Cette offre brusque éblouit le
camarade de Marwan. Il
regarda ce dernier d'un air ravi qui signifiait
clairement : « Du moment que le boutiquier offre de payer,
il n'y a
plus de sottises à lui dire. » Mais Marwan entendait spéculer sur
les
bonnes intentions de son frère. Il lui demanda s'il se moquait de
lui ;
c'était sa part, en entier, qu'il exigeait.
« Tu as tort, tu as tort », bégayait son ami.
Enfin, comme Kemal impatienté
parlait de les jeter tous les deux à la
porte, Kemal abaissa
ses prétentions, et, d'un coup, ne réclama plus
que cent mille livres. Ils se querellèrent encore
un grand quart d'heure sur
ce chiffre. Fatima intervint.
On commençait à se rassembler devant la
boutique.
« Écoutez, dit-elle vivement, mon mari te donnera vingt mille
livres, et moi je me
charge de t'acheter un vêtement complet et de te
louer un logement pour une année. » Raqqaoui se fâcha. Mais le
camarade de Marwan, enthousiasmé,
cria :
« C'est dit, mon ami accepte. » Et Marwan déclara, en effet,
d'un air
rechigné, qu'il acceptait. Il sentait qu'il n'obtiendrait pas
davantage. Il fut convenu qu'on lui enverrait l'argent et le vêtement
le lendemain, et que peu de jours après, dès que Fatima lui aurait
trouvé un logement, il pourrait s'installer chez lui. En se retirant,
l'ivrogne qui accompagnait le jeune homme fut aussi respectueux qu'il
venait d'être insolent ; il salua plus de dix fois la compagnie,
d'un
air humble et gauche, bégayant des remerciements vagues, comme si les
dons de Raqqaoui lui
eussent été destinés. |
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