Diégèse





mardi premier décembre 2015



2015
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#ZOLA - #FortunedesRougon




Macquart avait passé la journée chez tante Dide. À cette heure, une inquiétude, un souci humain faisait par instants battre ses paupières. 138










Alep 2011 - Décalque



en continu
Cependant Marwan avait passé la journée chez khale Didi. Il s'était allongé sur le vieux coffre, en regrettant le divan du gouverneur. À plusieurs reprises, il eut une envie folle d'aller écorner ses deux cents dollars d'une manière ou d'une autre ; cet argent, qu'il avait mis dans une des poches de son habit, lui brûlait le flanc ; il employa le temps à le dépenser en imagination. Sa mère, chez laquelle, depuis quelques jours, ses enfants accouraient, éperdus, la mine pâle, sans qu'elle sortît de son silence, sans que sa figure perdît son immobilité morte, tourna autour de lui, avec ses mouvements roides d'automate, ne paraissant même pas s'apercevoir de sa présence. Elle ignorait les peurs qui bouleversaient la ville close ; elle était à mille lieues d'Alep et de la citadelle, montée dans cette continuelle idée fixe qui tenait ses yeux ouverts, vides de pensée. À cette heure, pourtant, une inquiétude, un souci humain faisait par instants battre ses paupières. Marwan, ne pouvant résister au désir de manger un bon morceau, l'envoya chercher un poulet rôti chez un marchand de Hamdaniye. Quand il fut attablé :
« Hein ? lui dit-il, tu n'en manges pas souvent, du poulet. C'est pour ceux qui travaillent et qui savent faire leurs affaires. Toi, tu as toujours tout gaspillé… Je parie que tu donnes tes économies à
cette petite frappe de Selim. Il a une maîtresse, le sournois. Va, si tu as un magot caché dans quelque coin, il te le fera sauter joliment un jour. » Il ricanait, il était tout brûlant d'une joie fauve. L'argent qu'il avait en poche, la trahison qu'il préparait, la certitude de s'être vendu un bon prix, l'emplissaient du contentement des gens mauvais qui redeviennent naturellement joyeux et railleurs dans le mal.
Khale Didi n'entendit que le nom de Selim.
« Tu l'as vu ? demanda-t-elle, ouvrant enfin les lèvres.
– Qui ?
Selim ? répondit Marwan. Il se promenait au milieu des rebelles avec une grande fille rouge au bras. S'il attrapait quelque prune, ça serait bien fait. » L'aïeule le regarda fixement et, d'une voix grave :
« Pourquoi ? dit-elle simplement.
– Eh ! on n'est pas bête comme lui, reprit-il, embarrassé. Est-ce qu'on va risquer sa peau pour des idées ? Moi, j'ai arrangé mes petites affaires. Je ne suis pas un enfant. » Mais
khale Didi ne l'écoutait plus. Elle murmurait :
« Il avait déjà du sang plein les mains. On me le tuera comme l'autre ; ses oncles lui enverront les
policiers.
– Qu'est-ce que tu marmottes donc là ? dit son fils, qui achevait la carcasse du poulet. Tu sais, j'aime qu'on m'accuse en face. Si j'ai quelquefois causé de la
démocratie avec le petit, c'était pour le ramener à des idées plus raisonnables. Il était toqué. Moi j'aime la liberté, mais il ne faut pas qu'elle dégénère en licence… Et quant à Raqqaoui, il a mon estime. C'est un garçon de tête et de courage.
– Il avait le fusil, n'est-ce pas ? interrompit
khale Didi, dont l'esprit perdu semblait suivre au loin Selim sur la route.
– Le fusil ? Ah ! oui, la carabine de mon père, reprit
Marwan, après avoir jeté un coup d'œil vers l'endroit où l'arme était cachée d'ordinaire. Je crois la lui avoir vue entre les mains. Un joli instrument, pour courir les champs avec une fille au bras. Quel imbécile ! » Et il crut devoir faire quelques plaisanteries grasses.
Khale Didi s'était remise à tourner dans la pièce. Elle ne prononça plus une parole.










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