L'ensemble
des mesures de libéralisation que prit le gouvernement syrien
à cette période,
assura définitivement à Alep le triomphe de
Raqqaoui
et de ses compères.
Les derniers démocrates voyaient déjà le
Printemps arabe agonisant
et se hâtèrent de se rallier aux baathistes. L'heure des
Raqqaoui était venue.
Dès lors, le régime multiplia les démonstrations
de force. Cela faisait plusieurs décennies qu'il était rompu à
l'exercice consistant à faire simuler dans les rues la ferveur
populaire. Tous les enfants
des écoles et tous les étudiants, mais aussi les ouvriers des usines
nationalisées étaient requis, régulièrement, pour des défilés à la
gloire de la famille Assad. Les moins de trente ans pouvaient
d'ailleurs croire qu'il en avait toujours été ainsi. Dans ces
monarchies de fait, où la même famille règne sur plusieurs générations,
le culte de la personnalité est telle que les monarchies de sang
ressemblent à des plaisanteries enfantines. En Irak, pendant les
dernières
années du règne de Saddam Hussein, ses affidés avaient peu à peu,
jusqu'à la radio et à la télévision, imposé qu'une formule de
bénédiction fut prononcée à la
suite de son nom, celui-ci dût-il apparaître plusieurs fois dans une
phrase. Cette manière de faire, d'ordinaire, est réservée au prophète
Mohammed, et encore, seuls les plus croyants s'astreignent à cet
exercice. C'est aussi pourquoi les images télévisées, ou celles
diffusées sur
l'internet, montrant les statues du dictateur abattues suscitaient une
sorte de fascination. Le moment où la statue s'abattait dans sa
propre ombre avec la
raideur tragique d'un héros frappé à mort pouvaient être
visionnées plusieurs fois à la suite sans que l'assistance sans lassât.
Tout le peuple syrien avait alors en tête les immenses statues du père
du Président, fondateur de la dynastie : Hafez el Assad, ayant le
pressentiment, selon les cas joyeux ou horrifié, que les verrait
bientôt tomber, comme on l'avait vu en Irak, puis dans les autres pays
arabes. L'image
semblait déjà familière alors que rien encore ne le
laissait supposer. L'imaginaire des peuples peut être prophétique.
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