Jusqu'en
2013, le souk d'Alep, dominé par le minaret seldjoukide de la mosquée
des Omeyyades, était resté tel que les voyageurs du 18e ou
du 19e siècles avaient pu le décrire et la ville, à
plusieurs endroits, avait
gardé ces énormes
portes de bois à deux battants, cintrées dans le haut, et que
consolidaient des lames de fer, qui fermaient aussi, la nuit, les
portes de nombreux khans. À huit heures en été, à sept heures en
hiver, on
fermait ces portes à double tour, et les boutiques fermaient. Le
souk, après avoir ainsi
poussé
les
verrous ancestraux des caravansérails, dormait tranquille. Tout l'esprit de la ville,
fait de
coutumes commerciales transmises sans discontinuer de générations en
générations, était là. On fermait la vieille ville et l'on pouvait, à
l'intérieur des murs, vivre une vie de ce temps, à l'abri des regards.
Le souk d'Alep, quand
il s'était bien cadenassé,
se reposait la nuit durant de son agitation forcenée du jour, réveillé
tôt cependant par les livraisons qui commençaient à l'aube et par les
muezzins des nombreuses mosquées qui appelaient aux prières. Il n'y a pas
de cité,
je crois, qui ait incarné si tard l'esprit oriental qui a fait tant
rêvé, agissant comme un élixir puissant sur l'âme des poètes. |