Diégèse





mercredi 4 novembre 2015



2015
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#ZOLA - #FortunedesRougon




La ville prenait un air singulier ; sur les maisons mornes, semblait tomber, avec le crépuscule, une peur grise, lente comme une pluie fine. 140










Alep 2011 - Décalque



en continu
Dans les rues, il éprouva un malaise. La ville lui parut changée. Elle prenait un air singulier ; des ombres filaient rapidement le long des trottoirs, le vide et le silence se faisaient, et, sur les maisons mornes, semblait tomber, avec le crépuscule, une peur grise, lente et opiniâtre comme une pluie fine. La confiance bavarde de la journée aboutissait fatalement à cette panique sans cause, à cet effroi de la nuit naissante ; les habitants étaient las, rassasiés de leur triomphe, à ce point qu'il ne leur restait des forces que pour rêver des représailles terribles de la part des rebelles. Raqqaoui frissonna dans ce courant d'effroi. Il hâta le pas, la gorge serrée. En passant devant un café près de la citadelle, qui venait d'allumer ses lampes, et où se réunissaient les commerçants du centre-ville et quelques bourgeois qui fuyaient leur femme, il entendit un bout de conversation très effrayant.
« Eh bien
 ! Abou Fares, disait une voix grasse, tu sais la nouvelle ? le régiment qu'on attendait n'est pas arrivé.
– Mais on n'attendait pas de régiment
, Ya Abou Kader, répondait une voix aigre.
– Pardon
. Tu n'as donc pas lu la proclamation ?
– C'est vrai
, la proclamation promet que l'ordre sera maintenu par la force, s'il est nécessaire.
Tu vois bien ; il y a la force ; la force armée, cela s'entend.
– Et que dit-on ! ?
– Mais,
tu comprends, on a peur, on dit que ce retard des soldats n'est pas naturel, et que les rebelles pourraient bien les avoir massacrés. » Il y eut un cri d'horreur dans le café. Raqqaoui eut envie d'entrer pour dire à ces marchands que jamais la proclamation n'avait annoncé l'entrée de l'armée dans la ville, qu'il ne fallait pas forcer les textes à ce point ni colporter de pareils bavardages. Mais lui-même, dans le trouble qui s'emparait de lui, n'était pas bien sûr de ne pas avoir compté sur un envoi de troupes, et il en venait à trouver étonnant, en effet, que pas un soldat n'eût paru. Il rentra chez lui très inquiet. Fatima, toute pétulante et pleine de courage, s'emporta, en le voyant bouleversé par de telles niaiseries. Après le repas, elle le réconforta.
« Eh ! grande bête, dit-elle, tant mieux, si
Damas nous oublie ! Nous sauverons la ville à nous tout seuls. Moi je voudrais voir revenir les rebelles, pour les recevoir à coups de fusil et nous couvrir de gloire… Écoute, tu vas fermer les portes du souk, puis tu ne te coucheras pas ; tu te donneras beaucoup de mouvement toute la nuit ; ça te sera compté plus tard. » Kemal retourna au gouvernorat, un peu ragaillardi. Il lui fallut du courage pour rester ferme au milieu des doléances de ses collègues. Les membres de la commission provisoire rapportaient dans leurs vêtements la panique, comme on rapporte avec soi une odeur de pluie, par les temps d'orage.
Tous prétendaient avoir compté sur l'envoi d'un régiment, et ils s'exclamaient, en disant qu'on n'abandonnait pas de la sorte de braves citoyens aux fureurs de la démagogie
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4 novembre






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