Diégèse





mardi 17 novembre 2015



2015
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L'atelier du texte demain










#ZOLA - #FortunedesRougon




Lorsque Mme Rougon entra, il faisait son choix dans un tas énorme de lettres et de journaux, sous prétexte sans doute de les classer. 133
Félicité prit la lettre. Elle vit qu'on avait dû ouvrir l'enveloppe ; le libraire s'était servi d'une cire foncée pour recoller le cachet. 138
Un traité d'alliance fut conclu, par lequel Vuillet s'engageait à n'ébruiter aucune nouvelle et à ne pas se mettre en avant. Quel coquin ! 138










Alep 2011 - Décalque



en continu
Lorsque Oum Karim entra, Garo faisait son choix dans un tas énorme de lettres et de journaux, sous prétexte sans doute de les classer. Il se leva, avec son sourire humble, avançant une chaise ; ses paupières rougies battaient d'une façon inquiète. Mais Fatima ne s'assit pas ; elle dit brutalement :
« Je veux
le message. » Garo écarquilla les yeux d'un air de grande innocence.
« 
Quel message, Madame ? demanda-t-il.
– 
le message pour mon mari que tu as intercepté ce matin… Allez, je suis pressée. » Et comme il bégayait qu'il ne savait pas, qu'il n'avait rien vu, que c'était bien étonnant, Fatima reprit, avec une sourde menace dans la voix :
« Un message de Damas, de mon fils Karim, tu sais bien ce que je veux dire, n'est-ce pas ?… Je vais chercher moi-même. » Elle fit mine de mettre la main dans les divers paquets qui encombraient le bureau. Alors il s'empressa, il dit qu'il allait voir. Le service était forcément si mal fait ! Peut-être bien qu'il y avait un message, en effet. Dans ce cas, on le retrouverait. Mais, quant à lui, il jurait qu'il ne l'avait pas vu. En parlant, il tournait dans le bureau, il bouleversait tous les papiers. Puis, il ouvrit les tiroirs, les cartons. Fatima attendait impassible.
« Ma foi,
tu as raison, voici des messages pour vous, imprimés par les services, s'écria-t-il enfin, en tirant quelques papiers d'un carton. Ah ! ces diables d'employés, ils profitent de la situation pour ne rien faire comme il faut ! »
Fatima prit le message et en examina le titre attentivement, sans paraître s'inquiéter le moins du monde de ce qu'un pareil examen pouvait avoir de blessant pour Garo.
Elle vit clairement
la trace de l'interception ; le libraire, maladroit encore, s'était servi d'un logiciel peu performant. Elle mémorisa instantanément tous les codes qui précédaient le message dans lequel Karim annonçait, en quelques mots, la stratégie du pouvoir et la défaite totale des rebelles ; il chantait victoire, Damas était dompté, Homs et Hama ne bougeaient pas, les Kurdes étaient calmes et il conseillait à ses parents une attitude très ferme en face de la rébellion partielle qui sévissait vers Alep. Il leur disait, en terminant, que leur fortune était fondée, s'ils ne faiblissaient pas.
Oum Karim mit la lettre dans sa poche, et, lentement, elle s'assit, en regardant Garo en face. Celui-ci, comme très occupé, avait fiévreusement repris son triage.
« Écoute-moi,
Garo », lui dit-elle.
Et, quand il eut relevé la tête :
« Jouons cartes sur table, n'est-ce pas ?
tu as tort de trahir, il pourrait t'arriver malheur. Si, au lieu d'intercepter nos messages… » Il se récria, se prétendit offensé. Mais elle, avec tranquillité :
« Je sais, je connais
ton école, tu n'avoueras jamais… Voyons, pas de paroles inutiles, quel intérêt as-tu à ne pas jouer avec nous ? » Et, comme il parlait encore de sa parfaite honnêteté, elle finit par perdre patience.
«
 Tu me prends donc pour une bête ! s'écria-t-elle. J'ai lu ton article… tu ferais mieux de t'entendre avec nous. » Alors, sans rien avouer, il confessa carrément qu'il voulait avoir la clientèle du collège. Autrefois, c'était lui qui fournissait les établissements privés de la ville de livres classiques. Mais on avait appris qu'il vendait, sous le manteau, des pornographies aux élèves, en si grande quantité, que les pupitres débordaient de gravures et d'œuvres obscènes. À cette occasion, il avait même failli passer en police correctionnelle.
Depuis cette époque, il rêvait de rentrer en grâce auprès de l'administration, avec des rages jalouses.
Fatima parut étonnée de la modestie de son ambition.
Elle le lui fit même entendre. Violer des lettres, risquer
la prison, pour vendre quelques dictionnaires !
« Eh ! dit-il d'une voix aigre, c'est une vente assurée de
plusieurs milliers de livres syriennes par an. Je ne rêve pas l'impossible, comme certaines personnes. » Elle ne releva pas le mot. Il ne fut plus question des messages interceptés. Un traité d'alliance fut conclu, par lequel Garo s'engageait à n'ébruiter aucune nouvelle et à ne pas se mettre en avant, à la condition que les Raqqaoui lui feraient avoir la clientèle des écoles privées. En le quittant, Fatima l'engagea à ne pas se compromettre davantage. Il suffisait qu'il gardât les lettres et ne les distribuât que le surlendemain.
« Quel coquin ! » murmura-t-elle, quand elle fut dans la rue, sans songer qu'elle-même venait de mettre un interdit sur les courriers
.










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