Diégèse




jeudi 11 août 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Ce sont les gauches qui doivent intervenir. Mais il ne s'agit pas de sauver la vie de Pannella. Et encore moins de la sauver en s'arrangeant pour que les quatre petites « garanties » qu'il a demandées et celles qui s'y sont jointes soient prises en considération. Il s'agit de prendre en considération l'existence de Pannella, l'existence du P.R. et l'existence de la L.I.D. ; et la circonstance veut que l'existence de Pannella, du P.R. et de la L.I.D. coïncident avec une pensée et une volonté d'action de portée historique décisive ; c'est-à-dire qu'elles coïncident avec la prise de conscience d'une nouvelle réalité de notre pays et d'une nouvelle qualité de vie des masses qui, jusque-là, a échappé aussi bien au pouvoir qu'à l'opposition.
Pannella, le P.R. et la L.I.D. ont pris conscience de cela avec un optimisme total, une vitalité, une volonté ascétique d'aller au fond des choses : un optimisme sans doute relatif, ou du moins dramatique, en ce qui concerne les hommes, mais inébranlable en ce qui concerne les principes (qui ne sont ni abstraits, ni moralistes).
Ils proposent huit nouveaux référendums (pratiquement réduits à un seul), et cela fait des années qu'ils les proposent, dans un défi conscient à celui que vient de proposer la droite cléricale (et qui s'est terminé par la plus grande victoire démocratique de la récente histoire italienne). Ce sont ces huit référendums (abrogation du Concordat entre l'Église et l'État, des annulations ecclésiastiques, des codes militaires, des dispositions légales contre la liberté de la presse et la liberté de l'information télévisée, des dispositions légales fascistes et parafascistes du code, parmi lesquelles celles qui interdisent l'avortement et, enfin, l'abrogation du financement public des partis), ce sont ces huit référendums qui démontrent, en tant qu'idéation concrète et projet de lutte politique, le réalisme de la vision de Pannella, du P.R. et de la L.I.D.
Défier le vieux monde politique italien sur ce point et le battre est l'unique moyen de faire prendre un virage pratique décisif à la situation dans laquelle l'Italie est précipitée, outre que c'est aujourd'hui le seul acte révolutionnaire possible. Mais cela va contre trop de misérables intérêts particuliers et politiques, et c'est cela qu'est en train de payer personnellement Pannella.
Dans la vie publique, il y a des moments tragiques ou, pire encore, sérieux, dans lesquels il faut trouver la force de jouer. Il n'y a pas d'autre solution. Voilà pourquoi, cher lecteur, je passerai du style épistolaire à celui du tract, pour te suggérer le moyen de ne pas commettre dans cette affaire ce que les catholiques appellent péché par omission, ou autrement dit, pour te pousser à jouer le jeu, vital, de quelqu'un qui accepte de faire un geste « responsable ». Tu pourrais intervenir dans le rapport, qui semble insoluble, entre l'intransigeance démocratique de Pannella et l'impuissance du pouvoir, en envoyant un télégramme ou un mot de « protestation » aux adresses suivantes : 1) Secrétariat national des partis (à part, bien sûr, le M.S.I1. et ses semblables) ; 2) Présidence de la Chambre et du Sénat.

Je lis que, dans un magazine réactionnaire, l'ancien Président de la République, qui aspire à le redevenir, déroule le laïus de la guerre étrangère à la manière d'un Déroulède contemporain. La guerre étrangère repose toujours sur la croyance que l'autre, celui de l'autre côté de la frontière, est tout autre. Il n'y a jamais d'ennemi sans fantasme de l'ennemi. Sinon, ça ne marche pas cette histoire d'ennemi et le soldat, lancé dans des assauts meurtriers, dans des attaques terrestres, comme Monsieur Sarkozy les appelle de ses vœux, perd du cœur à l'ouvrage. Le message de l'ancien Président, dont on se rappelle les succès militaires en Libye, est en quelque sorte : face au fanatisme, fanatisons-nous ! C'est faire la preuve encore une fois d'une grande immaturité de la pensée et d'une forme d'agitation coupable. Ce sera bien difficile d'engager une guerre étrangère, car, il n'y a rien d'étranger dans toute cette affaire. Les jeunes qui ont perpétré les attentats qui ont tué - comme l'affirme l'ancien Président qui tient ses comptes - 237 personnes ne sont pas des combattants étrangers mais des enfants d'ici. Ils reprochent à la nation de les avoir rejetés, ce, avant même qu'ils aient commencé le chemin de leur réclusion, de cette réclusion à perpétuité, celle du meurtre ritualisé. En leur répondant : « nous sommes en guerre », on leur donne raison.
Ce que propose ainsi Monsieur Sarkozy, et avec lui une grande partie de la droite, et avec eux, une bonne partie de la gauche, c'est une forme de guerre civile dont le théâtre des opérations serait déplacé en Syrie et en Irak. Je les soupçonne, eux aussi, d'avoir pris du captagon.
Quelle serait la juste réponse ? Tout d'abord, elle serait difficile. Elle serait difficile à former et difficile à soutenir. Difficile à défendre et difficile à conserver. Elle relèverait de l'effort. De l'effort de la pensée et d'un effort de la morale, et même de la moralité. Il s'agirait d'affirmer que non, nous ne sommes pas en guerre et qu'il ne suffit pas que de façon provocatrice, terriblement douloureusement provocatrice, quelques jeunes hallucinés en quête d'un sublime à l'évidence frelaté, déclarent solennellement comme on le fait dans les films que la guerre est déclarée pour que, dans l'instant, la nation apeurée y agrée. Il s'agirait de comprendre que ces jeunes sont des jeunes et qu'ils ont commis l'irréparable et que cela leur a coûté la vie, à eux qui ont gâché des vies. Il s'agirait de ne pas avoir peur de comprendre, de ne pas avoir peur de savoir, de ne pas refuser le diagnostic de la maladie économique et sociale qui provoque, à l'échelle planétaire, ces inflammations urticantes. Certes, le mal de notre société est profond mais il y a peut-être d'autres traitements que celui de tuer le malade. Il faut encore une fois accomplir cet effort moral, celui qui a aboli la peine de mort, celui qui a fait naître le droit et l'État de droit : ces jeunes que l'on appelle terroristes, pour fous et drogués qu'ils puissent être, sont nos enfants et nos semblables. C'est le seul point de départ de la cure et c'est aussi le seul point d'arrivée, en humanité.
Ouvrons un débat sur l'affaire Pannella
Pier Paolo Pasolini
6 juillet 1974, Corriere della sera
1. Parti fasciste (n.d.t.).


Sublime chimique - Péguy-Pasolini #14 - Diégèse 2016










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