Diégèse




vendredi 29 avril 2016



2016
ce travail est commencé depuis 5964 jours (22 x 3 x 7 x 71 jours) et son auteur est en vie depuis 20417 jours (17 x 1201 jours)
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Au point de rebroussement il ne faut rien garder de la vieille analyse, de la vieille idée. De l'habitude Il faut être prêt à recommencer, il faut recommencer de plano l'analyse.
Si notre première règle d'action, de conduite sera de ne point continuer aveuglément par-dessus le point de discernement une action commencée en mystique et qui finit en politique, pareillement, parallèlement notre première règle de connaissance, de jugement, de connaissement sera de ne point continuer aveuglément par-dessus le point de discernement un jugement, un connaissement sur une action commencée en mystique et qui finit en politique. Il faut avant tout et surtout se défier, se méfier de soi, de son propre jugement, de son propre connaissement. Il faut sur tout se donner garde de continuer. Continuer, persévérer, en ce sens-là, c'est tout ce qu'il y a de plus dangereux pour la justice, pour l'intelligence même. Prendre son billet au départ, dans un parti, dans une faction, et ne plus jamais regarder comment le train roule et surtout sur quoi le train roule, c'est, pour un homme, se placer résolument dans les meilleures conditions pour se faire criminel. Tout le fatras des propos et des conversations, les embarras, les apparentes contradictions, les embroussaillements, les inextricables difficultés du jugement, les apparentes incompréhensions et impossibilités de comprendre et de suivre, les bonnes fois contraires et les mauvaises fois entrelacées, les bonnes et les mauvaises fois adverses, le recommencement perpétuel et fatigant de la vanité des mêmes propos, la répétition, l'exécrable répétition des mêmes incohérents et infatigables propos seraient beaucoup éclairés si l'on faisait seulement attention de quoi on parle, si, sur toute action, dans chaque action, dans chaque ordre, on parle de la mystique ou, plus généralement, de la politique.

Mais il ne faudrait pas croire que tout cela n'a pas grande importance, qu'il ne s'agit en somme que de stratégie de communication, et que le gouvernement, et que la gouvernance, et que l'institution et les institutions, demeurent assez solides pour garantir la sédimentation qui permet de tendre à l'intérêt général. Cela ne serait pas juste, car cette activité forcenée de communication politique, qui privilégie l'actualité, le fait divers de l'actualité, qui privilégie la mise en scène du fait divers de l'actualité, cette « chronite » galopante a pour conséquence, pour première et dernière conséquence, que l'institution politique, que les institutions renoncent à faire l'Histoire et même à la considérer. Pour pasticher de malencontreux et malheureux propos, le problème des femmes et des hommes politiques d'aujourd'hui serait qu'ils ont renoncé à entrer dans l'Histoire. Cette abdication est à la fois la cause et la conséquence directes de cette frénésie communicationnelle. Bien sûr, la place libérée de l'Histoire n'est pas demeurée vide, ne demeure pas vacante et d'autres l'occupent et s'en occupent et veulent la rendre cette place, la place de l'Histoire, inexpugnable. Ainsi, ce qui s'affronte en notre époque, au foyer-même de notre époque, ce ne sont pas des conceptions de civilisation ; et l'on a déjà montré que tous les protagonistes, que tous les belligérants sont de la même civilisation. Non, ceux qui s'affrontent et qui ne peuvent s'affronter que violemment, s'affrontent pour reprendre l'histoire à ceux qui se la sont appropriée. Il n'y a donc pas d'un côté l'Histoire, le récit commun, qui serait la bonne Histoire, qui serait le bon récit, et de l'autre des traitres, qui voudraient casser ce récit, qui voudraient casser l'Histoire. Il y a d'un côté des politiques qui ont renoncé à écrire l'histoire, qui ont laissé ce droit à d'autres, à ceux que l'on nomme le grand capital ou les grandes affaires, et de l'autre côté ceux qui, maladroitement, désespérément, tentent de reconquérir le droit, le droit et la capacité, non pas d'entrer dans l'histoire, mais de, collectivement, l'écrire.
Charles Péguy - Notre Jeunesse  -
Chronite aiguë - Diégèse 2016 - Péguy-Pasolini #09










29 avril







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Le temps solide, le temps marqué, martelé, froissé, et le monde.
Et l'espoir.










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La petitesse de l'esprit fait l'opiniâtreté ; et nous ne croyons pas aisément ce qui est au-delà de ce que nous voyons.
François de La Rochefoucauld - Maximes