Diégèse




dimanche 4 décembre 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Nul doute que De Marsico n'aurait jamais pu imaginer que les voix de toute une meute de gens éclairés et de progressistes se lèveraient pour le défendre.
Natalia Ginzburg, se tirant de son état naturel de demi-sommeil, a visiblement entendu quelque ami commun s'écrier que je suggérais l'amour contre nature comme remède au problème de l'avortement : un peu comme si je suggérais l'emploi de l'huile d'arachides pour résoudre le problème de la crise économique, ou celui de l'espéranto pour résoudre le problème de la langue. D'accord, Natalia est candide. Seulement il n'y a pas de candeur qui justifie, disons, le manque d'information. II est vrai que si Natalia m'a pris pour quelqu'un qui croit à la solution de l'huile d'arachides ou de l'espéranto, cela veut dire que, durant les vingt années de notre amitié, non seulement je n'ai pas su me faire estimer par elle, mais encore lui faire comprendre que je ne suis pas un poète fou, ni un dilettante imbécile ; mais elle pouvait au moins lire mes articles en question. Car dans ce cas, elle se serait facilement rendu compte qu'elle est à la lettre d'accord avec moi, c'est-à-dire contre les formes rhétoriques de lutte pour la légalisation de l'avortement, et que, dans la circonstance, elle est, comme moi, avec les communistes au lieu d'être avec les radicaux.
Dans sa candide intervention, Natalia accomplit un forfait linguistique significatif (c'est un écrivain, et donc, pour elle, ce propos est pertinent sans restriction). Elle emploie à l'égard du rapport homosexuel l'adjectif « sordide », c'est-à-dire l'adjectif toujours, systématiquement, mécaniquement, grossièrement employé dans les faits divers de toute une presse italienne en cela bien demarsicienne. Cette banale, et donc vulgaire, aigreur anti-homosexuelle de Natalia me semble gravement attenter à la pureté de sa candeur.

On ne sait pas compter le nombre de fois où les cénacles, les arènes et les assemblées ont révélé, parfois crûment, leur machisme archaïque et atavique. On a ainsi pu entendre et voir un député caqueter pendant l'allocution d'une femme députée. On ne sait pas s'il a tenté de faire valoir comme circonstance atténuante le fait que celle-ci fût blonde. Et c'est dans la même assemblée qu'une ministre a pu entendre des lazzi alors qu'elle descendait les escaliers pour aller prendre le micro.
La possibilité d'être soudainement renvoyée à une condition féminine implicitement définie comme invalidante n'est pas réservée au débat politique et peut advenir dans tous les actes de la vie publique. Cela a longtemps pris la forme d'une expression aujourd'hui désuète : « Ah ! Les bonnes-femmes ! » Il va de soi que cette expression n'était prononcée que pour souligner combien les femmes étaient inaptes à effectuer des travaux réservés à la gente masculine, telle la conduite automobile, ou alors pour dénoncer une attitude supposée typiquement féminine, comme celle de protester contre un acte d'un homme. C'est en fait le prolongement de cette assignation brutale à un genre qui s'actualise en politique. Quand une ministre dénonce les inégalités salariales, les bancs majoritairement mâles des députés de droite s'ébrouent et l'on entendrait presque en écho : « Ah ! Les bonnes-femmes ! ». Nous admettrons cependant qu'il ne s'agit que du niveau 1 du sexisme, car, juste après, il y a l'insulte caractérisée dont l'exemple le plus fréquent est le fameux « sale conne ! ». On passera sur le fait que linguistiquement, il eût été préférable de se borner au « sale con ! », le « con » désignant le sexe de la femme. Mais comme on s'est pris à traiter de « cons » les hommes, il fallait bien féminiser ce qui était déjà féminin, cette sur-féminisation devant sans doute renforcer l'injure.
Pier Paolo Pasolini - Écrits corsaires - Chiens
Péguy-Pasolini #23 - Texte continu










4 décembre







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