Quand donc
des républicains arguënt de ce que la République dure
pour
dire, pour proposer, pour faire état, pour en faire cette proposition
qu'elle est durable, quand ils arguënt de ce qu'elle dure depuis
quarante ans pour inférer, pour conclure, pour proposer qu'elle est
durable, pour quarante ans, et plus, qu'elle était au moins durable
pour quarante ans, qu'elle était valable, qu'elle avait un bon au moins
pour quarante ans, ils ont l'air de plaider l'évidence même. Et
pourtant ils font, ils commettent une pétition, de principe, un
dépassement d'attribution. Car dans la République, qui dure, ce n'est
point la République, qui dure. C'est la durée. Ce n'est point elle la
République qui dure en elle-même, en soi-même. Ce n'est point le régime
qui dure en elle. Mais en elle c'est le temps qui dure. C'est son
temps, c'est son âge. En elle ce qui dure c'est tout ce qui dure. C'est
la tranquillité d'une certaine période de l'humanité, d'une certaine
période de l'histoire, d'une certaine période, d'un certain palier
historique. Quand donc les républicains attribuent à la force propre du
régime, à une certaine vertu de la République la durée de la République
ils commettent à leur profit et au profit de la République un véritable
dépassement de crédit, moral. Mais quand les réactionnaires par contre,
les monarchistes nous montrent, nous font voir avec leur complaisance
habituelle, égale et contraire à celle des autres, nous représentent,
au titre d'un argument, la solidité, la tranquillité, la durée des
monarchies voisines, (et même, en un certain sens, leur prospérité,
bien qu'ici, en un certain sens, ils aient quelquefois beaucoup plus
raison), ils font exactement, de leur côté, non pas même seulement un
raisonnement du même ordre, mais le même raisonnement. Ils font, ils
commettent la même anticipation, une anticipation contraire, la même,
une anticipation, une usurpation, un détournement, un débordement, un
dépassement de crédit symétrique, antithétique, homothétique : la même
anticipation, la même usurpation, le même détournement, le même
débordement, le même dépassement de crédit. |
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Jusque
dans les années soixante, les petites filles jouaient avec des poupées
qui étaient des poupons, qui étaient des bambins. Puis apparaît la
poupée mannequin, qui est une poupée au corps d'adulte. Si le modèle le
plus célèbre de ces poupées est la poupée Barbie, la première est née
en Allemagne, près de Nuremberg, associée au journal Bild, sous le nom
de Bild Lilli, à la fin des années cinquante. Mais à cette époque,
Nuremberg était en zone américaine. Ce n'était pas la première poupée à
corps
d'adulte de l'histoire de la poupée, mais c'était la première de
l'histoire de la consommation de masse. Avec la poupée mannequin, la
petite fille - car ce sont les petites filles qui sont assignées à
jouer à la poupée - passent d'un apprentissage du statut de mère,
qui
pouponne, à l'apprentissage du statut de femme. Pas vraiment, car
Barbie, même dotée d'un Ken, n'a pas de sexualité car, tout autant que
Ken, elle est dépourvue d'organes génitaux. Barbie, tout autant que
Ken, n'a que des marqueurs sexuels secondaires, mais ceux-ci sont
surdimensionnés : la taille mannequin, les cheveux longs et, à
l'origine, blonds, et la forte poitrine des starlettes de ces mêmes
années. Quel apprentissage s'agit-il alors de proposer aux petites
filles ? Celui de consommatrice. Barbie va évoluer avec le temps qui
passe. Elle va exercer de nombreux métiers. Elle va devenir noire et
asiatique. Le fabricant Fulla produira un modèle voilé qu'il ne sera
pas possible de déshabiller. Elle abandonnera même, et c'est tout
récent, ses formes impossibles, accusées d'encourager l'anorexie des
adolescentes, pour des formes plus rondes. Mais deux choses ne changent
pas : Barbie consomme et n'a pas d'organes sexuels. Elle peut avoir une
vie maritale, affective. Barbie peut faire semblant d'embrasser. Elle
peut dormir avec Ken. Il ne se passera rien.
La femme idéale est une femme blonde, épilée intégralement, sans
organes sexuels et que l'on trouve au supermarché, avec un voile ou
non. |