Moi-même si depuis bientôt quinze ans (en comptant tout) mal doué de
ressources, mal doué de forces de tout ordre, mal doué de talents, à
travers des difficultés de toutes sortes, à travers des traverses sans
nombre j'ai pu tenir le coup, si j'ai pu continuer cette œuvre,
persévérer dans cette œuvre, dans cette opération incessante c'est
certainement que je suis attaché à ces cahiers, à cette institution, à
cette œuvre d'un attachement, d'une liaison qui est de l'ordre mystique.
Je le disais précisément à Isaac pendant les vacances de Pâques. Nous
déjeunions ensemble, une fois par an. Je lui disais : Vous croyez, vous
dites que nous sommes purs, que nous avons les mains pures Vous le
croyez, vous le dites. Mais vous ne savez pas ce que vous dites. Vous
ne pouvez pas mesurer ce que vous croyez. Il faut vivre à Paris, dans
ce que l'on a fait de la République, pour savoir, pour mesurer ce que
c'est que d'être pur. J'ai la certitude en effet que nos amis de
province nous font confiance. Mais ils ne peuvent pas savoir, ils ne
peuvent pas soupçonner de quoi ils nous font confiance, quelle est la
matière, le terrain de la confiance qu'ils nous font. |
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De
ces définitions du mot « culture », tentons de tirer quelques
enseignements. Le premier d'entre-eux serait que l'usage que l'on fait
communément de
ce mot est un usage métonymique, dont on rappelle qu'il s'agit d'une
figure de style qui consiste à nommer la partie pour le tout. En effet,
si l'on considère le périmètre que l'on accorde habituellement à la «
culture », c'est à dire, plus ou moins, un agrégat d'œuvres du passé et
du présent associées à leurs différents modes de production, de
diffusion et de consommation, on ne considère, bien sûr, qu'une petite
part de ce qui fait « culture. » C'est d'ailleurs pour cette
raison
que, très vite, on abandonne le mot « culture » pour se
borner
à des champs plus restreints, des disciplines, des pratiques : la
danse, le théâtre, la peinture, la photographie argentique, le
patrimoine gothique... Car, la notion de « culture », pour
séduisante
qu'elle soit, est peu opératoire. Ces productions, toutes liées d'une
façon ou d'une autre à un terme tout aussi problématique qui est l'
« art » ne fonctionnent d'ailleurs jamais que comme une sorte
de faisceau
d'indices qui laissent penser qu'il y a « culture. » Ou
plutôt, si l'on
considère que la « culture » est inhérente à toute société
humaine,
qu'elle est
humanité, les productions de l'art en sont l'une des manifestations, et
donc l'un des moyens qui permettent, parmi d'autres, d'entrevoir ce que
serait la « culture » d'un groupe, d'un peuple, d'une nation.
On peut
donc admettre l'usage métonymique du mot « culture », en tant
qu'il
active une figure de style. Mais on sait
cependant que les figures de style ne valent que si elles sont
maîtrisées par celui qui les produit pour être perçues par celui qui
les reçoit. Désormais, s'agissant de ce que l'on nomme
« culture », la
figure s'est effacée. La plupart du temps, on croit vraiment que la
partie est le tout. De la figure de style, on a basculé dans l'erreur, comme ce fou qui dans l'adage regarde le doigt plutôt que la lune. |