Diégèse




jeudi 9 juin 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Le fascisme des massacres est donc un fascisme nominal, sans idéologie propre (parce que rendue vaine par la qualité de vie réelle vécue par ces fascistes) et, par ailleurs, artificiel : il est voulu par ce pouvoir qui, après avoir liquidé, toujours pragmatiquement, le fascisme traditionnel et l'Église (le clérico-fascisme, qui était effectivement une réalité culturelle italienne), a décidé de maintenir en vie des forces à opposer — selon une stratégie mafieuse et de commissariat à la Sécurité publique — à la montée communiste. Les véritables responsables des massacres de Milan et de Brescia, ce ne sont pas les jeunes monstres qui ont posé les bombes, ni leurs sinistres mandants et financiers. Il est donc inutile et de pure rhétorique de faire semblant d'attribuer quelque responsabilité réelle à ces jeunes et à leur fascisme nominal et artificiel. La culture à laquelle ils appartiennent et qui contient les éléments de leur folie pragmatique, est, je le répète encore une fois, la même que celle de l'énorme majorité des gens de leur âge. Elle n'occasionne pas seulement chez eux d'intolérables conditions de conformisme et de névrose ; et donc d'extrémisme (qui est justement la configuration due au mélange de conformisme et de névrose).
Si leur fascisme devait l'emporter, ce serait le fascisme de Spinola, pas celui de Caetano ; en clair, un fascisme encore pire que celui que nous avons connu, mais plus précisément le fascisme. Ce serait quelque chose que nous vivons déjà, et que les fascistes vivent d'une façon exagérée et monstrueuse, mais non sans raisons.

Dans un autre texte, j'ai proposé l'usage du terme « popularisme », comme terme alternatif à « populisme », croyant alors, sans l'avoir vérifié, qu'il s'agissait d'un néologisme. C'était une erreur de le considérer comme tel, car le terme existe depuis le Siècle des lumières, et, d'ailleurs, dès 2003, le chercheur et spécialiste de l'analyse des médias, Jean-Gustave Padioleau, le remettait en activité dans le sens-même que je lui donne, dans une tribune du journal Libération intitulée « Les 400 coups du « popularisme » »1. Le terme « lucrativisme », semble bien, en revanche, quant à lui, être un néologisme. Bien sûr, le popularisme s'accommode parfaitement avec le lucrativisme. On peut même penser qu'il en est l'emballage, la technique de vente, le marketing. Si le peuple n'était pas distrait en permanence par une actualité factice, artificielle, comment pourrait-il supporter la vie que l'institution lui propose ? S'il n'était pas en permanence invité à se représenter lui-même sous les traits insolents et aliénés d'un petit profiteur jaloux et méfiant de son voisin, pourrait-il encore donner crédit au spectacle politique médiatisé ? Ainsi, par-delà les apparences, le choix qu'ont dû faire les Autrichiens était celui, d'une part, d'un « popularo-lucrativisme » un peu rance, celui de M. Hofer et de son parti, se référant à des doctrines politiques historiquement périmées vendues dans un costume folklorique du Tyrol ; et, d'autre part, celui d'une société qui pourrait être durablement plus juste, plus morale, car non fondée sur le lucre comme première valeur économique et sociale. De la même façon que ce que l'on appelle « la gauche » ne peut se revendiquer indemne de tout popularisme, cette même gauche n'est pas sourde aux sirènes du lucrativisme, même camouflé sous des atours vaguement keynésiens. On peut relire le jeu politique à l'aune de ces termes et admettre alors qu'il y a d'une part le « popularo-lucrativisme » plus ou moins outrancier, dont M. Trump ou, hier en Italie M. Berlusconi, dans leurs boursouflures, ne sont que des avatars, et qui pourraient avoir comme utilité secondaire de débusquer ce qu'il y a de Trump chez tous les hommes et toutes les femmes politiques qui font la vedette ; et, d'autre part, quelque chose qui veut naître, qui devrait pouvoir naître, qui relève de la pensée d'Edgar Morin, mais de beaucoup d'autres avec lui, qui n'est pas étranger, ni aux élections autrichiennes, ni à La Nuit debout, qui connaît aussi ses dérives et ses caricatures, mais qui s'apparente, dans son lignage, dans sa lignée, à l'humanisme.
Étude sur la révolution anthropologique en Italie - Pier Paolo Pasolini
Écrits corsaires

diégèse 2016 - Péguy-Pasolini #11- Du Lucrativisme





1. Le texte est aussi disponible ici










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