Diégèse




samedi 25 juin 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Ceux qui se taisent, les seuls dont la parole compte.
Voilà quel était le cœur et la force du dreyfusisme. Ce cœur, ce centre, cette force est demeurée intacte. Il s'était même créé un honneur dreyfusiste, ce qui est la marque même de la consécration d'une mystique, de la création d'une mystique. Quand une mystique en vient à créer un honneur, son honneur, un honneur propre, particulier, c'est qu'elle existe bien, comme mystique. Elle a donné, elle a trouvé sa marque. Cet honneur, dreyfusiste, est demeuré intact.
Cette fidélité même que nos amis et que nos abonnés nous ont gardée depuis quinze ans à travers tant d'épreuves, à travers toutes les misères, toutes les détresses, à travers, dessous tous les malentendus politiques, toutes les hontes politiques, cette amitié impeccable, cette fidélité d'un autre âge, cette fidélité ancienne, antique, d'un autre temps, cette amitié, cette fidélité unique dans tout le monde moderne ne s'explique elle-même que comme une amitié, une fidélité de l'ordre mystique. Elle nous récompense nous-mêmes d'une fidélité toute mystique à notre mystique.
Il n'est pas mort, pour lui ; mais plusieurs sont morts pour lui. Cela fait, cela consacre, cela sanctionne une mystique. D'autres sont morts pour lui. Il ne s'est pas ruiné pour lui-même. Il ne se ruinera pour nul autre. Mais beaucoup se sont ruinés pour lui. Beaucoup ont sacrifié pour lui leur carrière, leur pain, leur vie même, le pain de leurs femmes et de leurs enfants. Beaucoup se sont jetés pour lui dans une misère inexpiable. Cela fait, cela consacre, cela sanctionne une mystique.
La misère, le seul incurable des maux.

Le peuple... En Grande-Bretagne lors du référendum sur le maintien ou non dans l'Union européenne, comme en Autriche pour les élections présidentielles, les instituts statistiques ont affiché les mêmes données : les plus démunis, les moins éduqués, les ruraux, les retraités ont voté contre l'Europe, et ils ont voté contre en tant qu'instrument perçu comme bras armé technocratique d'un libéralisme vécu comme un facteur de précarité, notamment par le dumping social et une normalisation lourde et inefficicente. Quand les Britanniques votent contre l' « immigration », ils ne votent pas d'abord contre les réfugiés venus de Syrie ou de Libye, ni vraiment contre une fantasmatique islamisation de la société, eux dont le maire de la Capitale est musulman. L'empire de Sa majesté a importé de longue date tous les modes de vie de la planète sur cette petite île. Ils votent surtout contre l'immigration d'Europe de l'Est, comme il y a une dizaine d'années en France les anti Europe stigmatisaient les plombiers polonais. Mais, ce qui serait blâmable, ce serait de les en blâmer. Blâmer les médias qui pour faire du chiffre flattent les craintes des plus pauvres et des plus fragiles est une obligation morale. Blâmer les gens qui ont des craintes qui se fondent sur des difficultés de vie qui n'ont, elles, rien de fantasmatique, est une faute morale doublée d'une faute politique, et ceux qui la commettent le payent régulièrement dans les urnes. À chaque élection désormais, c'est ce peuple non dit, ce peuple qui se sent politiquement inconnu, ce peuple dont le mode de vie est entièrement livré à la marchandisation, c'est bien ce peuple qui vote contre ces remèdes dont les politiciens affirment qu'ils sont amers, qu'ils ont des effets secondaires désastreux, mais qu'ils sont bons pour la croissance et pour l'emploi, sans que cette croissance à venir ni cet emploi toujours à venir ne permettent jamais de vivre décemment, et surtout de rêver. L'Europe était un rêve, elle ne fait plus rêver parce que l'avenir qu'elle propose ne fait pas rêver. Alors, puisque l'avenir est devenu impropre au rêve, c'est le passé qui fait rêver, l'Autriche avec le Tyrol italien, la Grande-Bretagne avec le Commonwealth, les États-Unis sans le Mexique... S'il y a des reproches à formuler, c'est à l'encontre de ceux qui font peur, pas de ceux qui ont peur.
Charles Péguy - Notre Jeunesse  -
diégèse 2016 - Péguy-Pasolini #12 - Double anomie anosognosique










25 juin







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