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L'écrivain
Charles Péguy
distinguait en 1910 dans Notre
Jeunesse les époques
et les périodes.
Les époques, selon Péguy, sont les moments qui font l'histoire. Les
périodes, ou encore appelées paliers ou même bonaces par Péguy, sont
les moments plus ou moins longs entre les époques. Cette vision de
l'histoire se faisant par poussées
sur le corps social telles un syndrome inflammatoire, sera reprise par
Gramsci, dont on sait qu'il était lecteur de Péguy. Le sociologue
Daniel Diégèse reprend cette grille d'analyse et montre que la sphère
médiatique et publicitaire tente de nous faire croire en permanence que
nous sortons d'une période
pour entrer dans une époque.
On l'a compris, l'époque fait mieux vendre que la période. Au cours de
son analyse, il introduit une notion que Péguy et Gramsci, alliés à
Pasolini, auraient pu aussi utiliser : la notion de séquence,
ainsi que le monde de la communication et de la publicité - c'est le
même - nomme les campagnes de manipulation de l'opinion vantant
indifféremment l'action du pouvoir ou d'un shampoing anti-pelliculaire.
Ainsi, quelle que soit la cause et sa justesse, la stratégie
publicitaire a toujours intérêt à entretenir les poussées
inflammatoires. Prenant appui sur le traitement médiatique de plusieurs
crises de ces dernières années, Daniel Diégèse analyse comment ce qu'il
nomme la mise en époque
s'effectue dans les médias et les réseaux sociaux. Un livre passionnant
pour comprendre... notre époque... qui n'en
est donc peut-être pas une,
ou pas tout à fait. |