Diégèse




lundi 29 avril 2019



2019
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Ce ne sera pas moi 119



Gustav Diégèse














Sans surprise, le commerce des candidatures est sensible au genre. Si l'on exclut les pratiques frauduleuses et illégales de sexisme, il n'en demeure pas moins que les femmes ne présentent pas leur candidature comme les hommes. Les études ont montré que les femmes placent au premier rang des atouts qu'elles souhaitent faire valoir leur compétence et leur force de travail. Les hommes ont davantage tendance à considérer leur compétence comme un acquis, leur force de travail comme une promesse et vont insister davantage sur leur personnalité, voire, pour certains postes, leur charisme et leur capacité à susciter l'adhésion. En cas de candidature non retenue, l'homme va vivre un échec qui portera, naturellement, sur ce qu'il a mis en avant. Il ne remettra pas en cause sa compétence ou son adéquation pour le poste, mais considérera qu'il n'a pas su faire la preuve de ses capacités à être un chef, un vrai, ne serait-ce que le chef de son poste de travail. On pourrait croire en effet que cela ne vaut que pour les postes d'encadrement. Or, il n'en est rien. Quel que soit le poste, ce que le mâle aura tendance à vouloir démontrer, c'est sa capacité à dominer.

Madame C. a présenté sa candidature pour un poste de directrice des ressources humaines dans une grande entreprise. Elle a soigneusement préparé sa candidature et son parcours atteste de sa compétence, alignant les expériences réussies dans ce domaine, ce, dans des entreprises de plus en plus grandes. Lors de l'entretien, elle commet une erreur : elle reprend l'un de ses interrogateurs sur un chiffre qu'il cite de façon erronée. Madame C. est alors jugée arrogante et l'entreprise lui préfèrera une autre candidate, moins expérimentée. Dans le cadre de l'étude que nous avons menée, nous avons demandé à un candidat mâle, lors d'entretiens pour des postes de même niveau, de reproduire une séquence identique, à savoir, corriger un des membres du comité de sélection. Dans la plupart des cas, cela aura été retenu en sa faveur. Il aura su faire preuve de courage et de force de caractère et, dans la plupart des cas, donc, le poste lui aura été proposé.

Cela entraîne évidemment des conséquences sur le récit de l'échec que la candidate malheureuse ou le candidat malheureux vont construire sur cet échec et ses raisons. La candidate aura tendance à remettre en cause ses compétences, quand le candidat, nécessairement compétent puisque mâle, aura tendance à remettre en cause sa capacité à assurer le leadership, à savoir : être un mâle. Il ne viendrait à l'esprit d'aucune femme de penser qu'il faut prouver, candidatant à un poste de directrice des ressources humaines, qu'elle est une « vraie » femme.  Le récit qu'elle va construire sur son échec sera donc plutôt celui de l'inadéquation de ses compétences avec celles requises par le poste.


Sylvie Ayral, professeur agrégée et docteure en sciences de l'éducation, auteure de « La Fabrique des garçons. Sanctions et genre au collège* » insiste sur le fait que ce qui se met en place à cette période de la puberté retentira ensuite sur l'ensemble de la société civile.

* Pour en finir avec la fabrique des garçons, vol. 1 et 2,

Sylvie Ayral et Yves Raibaud (dir.), MSHA, 2014,
396 p. et 25 € le volume









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4e de couverture






Nous avons tous connu des échecs, et ce, dès le plus jeune âge. Et nous y avons survécu, et nous les avons surmontés. Le dernier livre du psychiatre Gustav Diégèse : « Ce ne sera pas moi » n'est pas un livre sur la résilience. Il y en a déjà, et même de très bons. Ce n'est pas non plus un livre sur l'échec. La littérature en est emplie, surtout quand il s'agit d'échecs amoureux. Non ! Gustav Diégèse explore dans son dernier livre une autre piste. Il ne considère tout d'abord qu'une seule forme d'échec, celle des candidatures qui n'aboutissent pas. Certes, cela se produit beaucoup, sinon le plus souvent, dans le monde du travail. Mais, il y a aussi les candidatures sportives, et même les candidatures amoureuses. On passe en fait sa vie à candidater. Or, une candidature, c'est toujours un fantasme, c'est-à-dire un récit intime dont on est le personnage principal et qui fait intervenir le désir. En cela, une candidature, c'est une tentative, parfois éperdue, de faire partager un fantasme à celles et ceux qui doivent évaluer cette candidature. C'est d'ailleurs pourquoi on entend souvent, quand ça marche : « il ou elle y croit vraiment ». Et quand cela ne marche pas, on entend plutôt : « il ou elle s'y croit vraiment ». Le partage du fantasme n'a pas fonctionné. Mais, ce que montre Gustav Diégèse, c'est que ce qui continue de vivre en nous, ce n'est pas l'échec, comme on le croit trop souvent, mais le fantasme constitué qui n'aura pas été actualisé. Nous vivons en quelque sorte plusieurs vies parallèles. Ainsi, quand j'admets que « ce ne sera pas moi », c'est en fait un peu moi quand même.










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