Diégèse




samedi 7 décembre 2019



2019
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Morceaux de fiction 341



Noëmie Diégèse














Elle est pressée mais elle n'arrive pas à marcher plus vite. Je la suis. Un vent contraire la ralentit dans sa marche et peu à peu ses épaules s'affaissent davantage. Je la suis, mais ralentis le pas. Elle ralentit encore. Je pense qu'elle va s'arrêter. Je m'arrête avant elle. Elle s'arrête. Elle rajuste la sangle de son sac sur son épaule, car, elle avait glissé. Le sac a failli tomber. Elle met son visage dans ses mains. Elle pleure peut-être. Je ne vois pas. Elle repart après quelques secondes. Je laisse passer trois secondes exactement et je repars aussi. Je la suis. Elle descend les premières marches. Le sac manque de tomber encore. Elle s'arrête pour réajuster la sangle. Je ne m'arrête pas, pensant qu'elle puisse pleurer encore. Je ne la dépasse pas. Je ralentis. Elle repart. Je suis suffisamment près pour voir que les talons de ses chaussures sont usés et que le cuir est ciré du matin. Je vois un pli sur la robe. C'est un faux-pli du repassage du matin. Je pense qu'elle a un entretien aujourd'hui. Je pense que cet entretien est important et qu'elle est angoissée. Je pense que l'entretien est à neuf heures exactement. Il est un peu moins de neuf heures. Elle est presque arrivée. Elle repart. Elle est arrivée. Elle ouvre son sac pour en montrer le contenu au vigile. Le vigile ne la connaît pas. Elle ne travaille pas ici. C'est certainement un entretien d'embauche.

Je l'attends.

Elle sort. Je n'avais encore pas vu son visage. Elle n'a pas quarante ans. Elle sourit au ciel, au vent qui passe entre les tours. Elle retourne vers la gare souterraine du métro et du RER. Elle regarde les reflets sur les tours. Elle marche plus rapidement et son pas se fait presque allègre. Je la suis. Elle valide son passage dans le métro avec sa carte électronique. Je m'arrête là.









page 341










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4e de couverture






Le quartier de La Défense, aux portes de Paris, est caractéristique de ce que l'on nomme « l'urbanisme sur dalle », dont le premier principe consiste à séparer la circulation piétonne, sur une dalle, de la circulation des transports individuels ou en commun, en sous-sol. Il en résulte un univers sonore très particulier où le bruit des pas résonne presque aussi fort qu'à Venise. Le bruit des pas, mais aussi celui des conversations. L'écrivaine Noëmie Diégèse, qui est aussi artiste, est allée capter, et l'on pourrait aussi dire « pêcher » des bribes de conversations sur cette dalle où l'on peut parfois, à quelques heures du jour, entendre jusqu'aux murmures. Et, à partir de ces bribes, elle reconstitue un récit, une histoire, un épisode, une aventure, un quotidien, un drame, une joie... faisant de ces bribes des « morceaux de fiction ». Italo Calvino, que l'auteure met en exergue de son livre, n'aurait sans doute pas désavoué Noëmie Diégèse qui signe là un livre sensible, parfois drôle, parfois triste, comme la vie de toutes ces inconnues, de tous ces inconnus, croisés un jour, un soir ou un matin, sur la dalle de La Défense.










7 décembre







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