Diégèse | |||||||||
lundi 16 décembre 2019 | 2019 | ||||||||
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Notre Guerre à nous | 350 | ||||||||
Mathieu Diégèse | |||||||||
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En
fin de compte, ce qui unit ces récits individuels de guerre, que ce
soient ceux de la Grande Guerre, ceux de la Résistance, ceux des
guerres coloniales ou encore ceux de grandes grèves et de
manifestations musclées, ce qui unit tous ces récits, c'est le salut.
Ne nous méprenons pas : nous n'écrivons pas ici le salut avec la
majuscule qui renverrait à la spiritualité. Telle n'est pas notre
intention et il faudrait pour cela un autre livre. Non, il s'agit du
« petit » salut, qui n'est cependant pas négligeable et qui
n'est pas
méprisable, qui est qu'on a sauvé sa peau, qu'on s'est échappé, qu'on
est resté en vie, qu'on est là et qu'on peut le raconter. Ces récits
mémoriels du salut sont anthropologiquement essentiels. Ils
entretiennent l'espérance mieux que ne savent le faire les servants de
toutes les religions réunies, car, ils racontent le plus souvent que
dans une situation périlleuse, dangereuse, potentiellement fatale, il
est possible de survivre, de s'en sortir, et qu'il ne faut donc jamais
désespérer. L'humanité serait sans doute différente si, à travers les
siècles et même les millénaires, ces récits du salut n'avaient pas été
formés et transmis, depuis le premier homme qui a raconté comment il
avait échappé à la bête sauvage ou à cet ennemi venu d'ailleurs et qui
allait devenir l'ennemi héréditaire. Dès lors, il y a bien sûr un récit
de guerre qui contrevient à cette règle et qui, dès lors, sans
surprise, a trait au Salut, cette fois avec une majuscule. C'est ce
récit assez incroyable de la guerre qui est faite à un homme entouré
d'une douzaine d'amis et soutenu par quelques femmes, dont sa mère.
Celui-là ne s'en est pas sorti, qui a connu le supplice, un de ceux
parmi les plus horribles inventés par une humanité rarement en peine
d'imagination en ce domaine, et qui, en croix, juste avant d'expirer, a
connu le désespoir du sentiment d'abandon. Pour que le récit soit
transmis de générations en générations, il a fallu qu'il ressuscitât le
troisième jour après sa mort et c'est cela qui, chaque dimanche,
partout sur la planète, est célébré. Ce récit rejoint en fait celui qui
n'est pas raconté de celles et de ceux de toutes les guerres
militaires, civiles et domestiques qui n'ont jamais été racontés et
transmis. Chaque monument aux morts sur la place de chaque village de
France est une bibliothèque de récits non formés, comme chaque
cénotaphe vernaculaire au bord d'une route de campagne meurtrière.
L'humanité mourante a le besoin de croire qu'elle pourrait s'en sortir
même si, au demeurant, elle s'évertue à précipiter sa chute. |
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page 350 | |||||||||
Toute la collection | 4e de couverture | ||||||||
Mathieu
Diégèse se penche sur les récits de guerre
des générations de France... qui n'ont pas connu la guerre, ces
générations nées
après 1950. Entre les premiers, qui ont pu côtoyer des grands-parents
qui leur ont raconté la première guerre mondiale et les derniers pour
qui la guerre d'Algérie est quelque chose de vague qu'ont pu faire leur
grand-père sinon leur arrière-grand-père, peut-on retrouver des
invariants du récit de guerre ?
C'est la question que s'est posée Mathieu Diégèse en partant à la
rencontre de ces
générations sans guerre qui racontent pourtant leur guerre à eux. Il en
rapporte
des écrits étonnants pour ce en quoi ils respectent la
structure des récits de guerre tels qu'ils apparaissent dans les
documents d'archive. Sans surprise, on y retrouve la grande farandole
des sentiments humains, cette tension très particulière entre le savoir
qu'on est unique et la fusion au sein du groupe, que ce soit sur une
barricade étudiante, dans une « ZAD » évacuée par la police
ou lors de
querelles de voisinage entre cités, pouvant conduire au meurtre, les
récits ont
quelque chose en commun qui parcourt le temps. On ne sait pas en refermant le livre s'il faut se réjouir ou non de la permanence de la culture de la guerre dans chaque génération. Mieux vaut le savoir et le faire savoir. La paix n'est jamais gagnée à jamais. |
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16 décembre | |||||||||
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