Diégèse




jeudi 14 février 2019



2019
ce travail est commencé depuis 6985 jours (5 x 11 x 127 jours) et son auteur est en vie depuis 21438 jours (2 x 33 x 397 jours)
ce qui représente 32,5823% de la vie de l'auteur
hier



L'atelier du texte demain










Mes mondes 45



Noëmie Diégèse














Nous allons faire ensemble l'expérience que je nomme « la terrasse. » Elle demande des moyens relativement limités et, si vous habitez en ville, elle ne pourrait vous coûter que le prix de deux cafés. Mais, elle doit vous coûter le prix de ces deux cafés, car, l'expérience de « la terrasse » doit s'effectuer seul.e. Vous ne pouvez donc pas vous faire inviter, même pas par le serveur ou la serveuse, la patronne ou le patron du bar.

Choisissez au hasard deux cafés en ville. À l'idéal, un café dans lequel vous seriez déjà allé.e et un autre que vous ne connaissez pas encore. Vous commanderez la même boisson. Le café n'est mentionné ici qu'à titre indicatif au regard de son prix, certes excessif, mais supposé abordable. Vous resterez au moins trente minutes assis.e à chacune des deux terrasses, sans livre, sans journal ou magazine, sans téléphone mobile. Vous pouvez garder sur vous votre téléphone mobile si vous en avez un, mais, vous devrez l'éteindre ; le mettre sur vibreur ou silencieux ne sera pas suffisant  l'extinction complète est indispensable aux conditions optimales de l'expérience de « la terrasse.  Vous chronométrerez l'expérience une fois la boisson servie, que vous payerez à l'avance pour ne pas être éventuellement dérangé.e par le serveur ou la serveuse venant vous réclamer la somme due, celui-ci ou celle-ci ayant terminé son service. Ce type d'interruption n'arrive cependant que dans les grandes villes. Dans les petites villes, voire les villages, cela pourrait paraître étrange que vous souhaitiez payer à l'avance : vous ne le ferez donc pas. Les conditions de l'expérience de « la terrasse » ayant été ainsi précisées, l'expérience peut commencer.

Dernière consigne : vous devez essayer de ne penser à rien.

Allez faire l'expérience et revenez lire la suite de ce texte après l'avoir effectuée.

En admettant que vous ayez été une lectrice, un lecteur suffisamment motivé.e pour effectuer l'expérience de « la terrasse » et revenir ensuite lire ces lignes, à moins que vous n'ayez gardé en poche cet opuscule, je dois vous annoncer maintenant que l'expérience en question est impossible à réaliser. Pourquoi ? C'est qu'il est rigoureusement impossible de ne penser à rien, d'une part ; et qu'il est d'autant plus impossible de ne penser à rien quand on sait qu'on pratique une expérience dont on est à la fois le sujet et l'objet. Ne penser à rien supposerait que l'on soit entièrement le sujet de ses actes et de sa pensée. Or, cela n'arrive jamais et il faudrait pratiquer une méditation proche du coma pour « ne penser à rien. » À rien ni à personne. Je peux parier que si vous avez suivi mes instructions, vous avez au moins pensé une fois à ce livre, et donc, certainement à son auteure. Vous avez donc par voie d'association pensé à moi. Mais, pas seulement. Ce à quoi vous avez pensé, celles et ceux à qui vous avez pensé, cela vous appartient entièrement et n'est pas prédictible. Mon propos n'est pas ici de faire de la psychologie, ni de la sociologie. Les supports de votre pensée ne sont d'ailleurs pas décidables ni prédictibles, même par vous-même. En revanche, si vous revenez vers cette expérience et que vous la considériez du point de vue du temps, non du temps que vous avez chronométré mais de celui, sensible qui a marché avec votre pensée, il y a peu de doute que vous vous êtes placé.e dans un temps sensible et non chronologique. Je suis certaine que vous pourrez le confirmer.

Reste à examiner pourquoi je vous ai demandé d'effectuer deux fois cette expérience de « la terrasse. »









page 45










Toute la collection


4e de couverture






« Il est dans son monde » dit-on souvent des enfants rêveurs. « Il est dans ses mondes » devrait-on dire. Noëmie Diégèse se fait dans son dernier livre tout à la fois philosophe, historienne, psychologue voire neurophysicienne, pour tenter de cerner ce qui relève de l'image, de l'imagination et de l'imaginaire. Se fondant sur la longue lignée de philosophes qui prennent le parti de la perception contre la notion de réalité, et donc pour le réel, elle arpente les mondes enfantins, les fantasmagories adultes, en exploratrice expérimentée. Sa démonstration est implacable : ce que nous concevons souvent de manière binaire : le couple réalité vs imaginaire, serait en fait toute une bande qui s'agence en différentes mises en tension. Il faudrait donc pour concevoir le réel et sa perception, pouvoir se représenter le chiliogone cher à Descartes, mais un chiliogone qui se meut à la vitesse de la lumière.
Nul besoin d'être un philosophe chevronné pour lire ce livre. Noëmie Diégèse raconte des histoires et ces histoires sont tour à tour tendres et captivantes. L'auteure, qui n'en est pas à son coup d'essai, nous prend par la main pour marcher dans ses mondes. Et nous l'y accompagnons avec un plaisir non dissimulé.










14 février






2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000

2018
2017
2016
2015
2014
2013
2012
2011
2010