Diégèse




samedi 6 juillet 2019



2019
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Des Territoires ennemis 187



Gustav Diégèse














La sauge en majesté féodale

Pendant toute une année, quatre pieds de sauge plantés près d'un pin prospérèrent sans déclencher jamais entre eux quelque hostilité que ce fût. Ils s'ignoraient, vivant leurs floraisons et leurs hivers dans un isolement superbe. Mais, au milieu de l'été, rendus euphoriques par un arrosage automatique un peu trop généreux, les voilà qu'ils s'avisent chacun de la présence des trois autres. C'est alors que les manœuvres commencèrent, délibérées je ne sais quand ni comment, mais, la nuit très certainement.

Au tout commencement, ce n'était rien ou presque. Faut-il préciser que le jardin ne contenait aucun plant de sauge des devins et que ses consœurs ne pouvaient donc avoir recours à lui pour décider du sort qu'elles auraient dans le combat qui s'annonçait. La sauge officinale décida assez soudainement d'envoyer des émissaires. C'était évidemment une ruse pour préempter le terrain et surtout se préparer à marcotter. Ce n'était pas facile pourtant, car, fallait-il encore que la tige atteignît la terre et ce, sans se casser. Je ne sais comment cela se passa et si le passage des animaux y aida, mais tant fut fait que la plante marcotta, et, ce faisant, gagna presque un demi-pied sur sa possible adversaire.

Mais, la sauge sclarée, du haut de ses tiges en fleurs, parut découvrir le stratagème et décida de ne pas s'en laisser compter. Tu marcottes, dit-elle, moi je sèmerai. Et c'est ce qu'elle fit, la coquine, l'air de rien, laissant nonchalamment, et presque sans y penser, dans la terre, des graines tomber. Le vent était à son affaire et quelques années après, on retrouva bien loin de jeunes pieds de sauges sclarée. Cette stratégie migratoire n'était pas sans conséquence, car, pendant ce temps, la sauge officinale pouvait tout aussi bien étouffer le plant-mère.

Imaginant les pires turpitudes, la sauge officinale pourpre rougissait encore davantage. Elle ne demandait rien, ou pas grand chose. Plus basse que ses consœurs, elle veillait à demeurer coquette, bien fournie et protégée des intrusions par une densité de feuilles hors du commun. Elle voulait en bref qu'on lui fichât la paix - si l'on nous autorise ce subjonctif imparfait non attesté. Plutôt que de se jeter sur ses voisines, elle préféra se développer de l'autre côté, entamant un déplacement discret permettant de l'éloigner de ce qui s'annonçait comme un champ de bataille.

Derrière le pin, une sauge encore non identifiée avait souffert tout l'hiver du vent salé. Poussée en serre, replantée au mauvais moment, elle pâtissait de tiges trop hautes aux feuilles jaunissantes. Certaines même étaient tombées. Elle ne s'en laissa cependant pas compter et décida en conséquence de recommencer, à zéro ou presque, et reprenant du pied, retrouva quelque vitalité sur les tiges desséchées.

On verra bien ce que l'été prochain, il sera advenu de cette saga amère et acre comme les feuilles de ces belles plantes robustes comme au moyen-âge.









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4e de couverture






Il ne s'agit pas ici d'un essai sur la guerre civile ou la guerre étrangère, ni sur des batailles rangées entre cités d'une banlieue proche ou lointaine. Il s'agit de la guerre botanique.
Gustav Diégèse a observé pendant une douzaine de saisons les plantes de son jardin se faire la guerre. On n'imagine pas toujours les batailles épiques que se livrent les plantes pour conquérir l'espace. Elles rusent, elles attaquent et se défendent, s'étouffent volontiers, s'enserrent et se contournent.
Ce petit jardin de curé qui pourrait sembler si paisible est un vrai champ de bataille, avec ses victoires glorieuses, parfois inattendues, et ses piteuses défaites. La sauge va-t-elle gagner contre la menthe ? Toutes deux sont très agressives et bien entraînées, et l'issue de la bataille demeure longtemps incertaine, surtout que leurs stratégies sont opposées, l'une, la sauge, étouffant son adversaire par le haut, quand la menthe progresse en rampant.
Gustav Diégèse, dont on connaît le talent pour transformer en fiction la réalité, fait des aventures de ses plantes un roman à suspense. Ce livre se dévore donc encore mieux que des légumes fraîchement cueillis dans un potager.










6 juillet







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