Diégèse




samedi 27 juillet 2019



2019
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Sur la plage de Lesconil 208



Daniel Diégèse














J'ai quitté la plage des Sables blancs pour aller vers les rochers Goudoul. Je rentrerai plus tard par la rue Pierre Loti. La marée était haute et il a fallu que je remonte jusqu'au pont pour traverser le Stêr, que j'ai longé, de l'autre côté, jusqu'au port pour prendre le chemin des rochers depuis le quai de Pontruche. Je ne sais pas combien de fois j'ai fait ce chemin depuis l'enfance, depuis cette enfance qui paraît aujourd'hui si lointaine.

Plus de soixante ans que je vais à pied, chaque été, de la plage jusqu'au rocher. Je crois me rappeler la première fois que je l'ai vu, le rocher Goudoul avec ma grand-mère, qui était une vraie bigouden, comme on dit désormais par métonymie. Elle acceptait parfois, pour m'amuser, de mettre cette coiffe typique qui donne son nom à cette partie de la Bretagne. Et j'étais encore plus impressionné quand elle s'en coiffait vraiment, tout habillée de dentelle pour quelque procession. C'était juste après la guerre. Les touristes n'avaient pas encore reparu. Lesconil, contrairement à Plobalannec, était de gauche et avait largement soutenu le Front populaire et les congés payés. En 1937, le bourg avait d'ailleurs accueilli entre cinq et six mille estivants, dont beaucoup logeaient chez l'habitant. Dès 1934, des comités antifascistes s'étaient organisés dans huit villes du Finistère, dont Lesconil. Il est vrai que Lesconil s'est toujours distinguée dans ce fief catholique, elle a longtemps été protestante.

Comme tous les jeunes gens de la région, j'avais échangé mon premier baiser d'amoureux devant la Croix des amoureux. C'est une croix du Moyen Âge, restaurée depuis une vingtaine d'années après sa destruction dans les années 1920. Elle s'appelait Viviane et j'étais persuadé qu'elle était une fée. On raconte aussi que des jeunes gens à l'amour contrarié se sont un soir donné la mort au pied de cette croix. C'est une légende, mais j'aimais, longtemps après que Viviane fut partie travailler seule à Rennes, entendre les sanglots des amoureux martyrisés. C'est qu'on ne peut pas faire un pas, dans cette Bretagne, sans que les légendes affluent. Chaque pas, chaque roche, chaque croisement de routes a la sienne. Il suffit de tendre l'oreille pour les écouter et pouvoir ensuite les raconter.

Je me suis assis au pied de cette croix. Il n'y avait pas d'amoureux. Nulle âme qui vive si ce n'étaient celles de tous les amoureux de Lesconil à travers les temps. Et puis, du bout de la rue Pierre Loti, j'ai vu venir deux lumières vacillantes, que j'ai reconnu pour être celles de téléphones mobiles. J'ai attendu un peu, pour être bien certain qu'elles venaient à la croix. Puis, je me suis éclipsé, vers l'océan et le Goudoul. Ils ne m'ont pas vu. Je n'avais aperçu que leurs silhouettes. Quels étaient-ils ? Quelles étaient-elles ? Ce ne serait pas la première fois que l'on verrait le soir près de cette croix, deux jouvenceaux, deux jouvencelles. Et que l'on ne me dise pas qu'il s'agit là d'une pratique des temps modernes. La croix en a vu d'autre, depuis tous ces siècles et ne racontera pas les secrets des amours secrètes qu'elle bénissait quoi que l'on pût en penser.










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4e de couverture






Un jour entier sur la plage des Sables blancs de Lesconil, en Bretagne, en Pays Bigouden. C'est l'été. Les familles arrivent et repartent, reviennent. Les enfants jouent. Ils crient aux vagues encore froides qui roulent et les bousculent. C'est que l'océan est vif, mais l'anse de Lesconil est protégée. Pour les grosses vagues, il faut aller plus à l'ouest, à La Torche. Il y a des surfeurs.
Ce roman d'été est celui de vacances en Bretagne, de ces vacances dont on ne dit rien d'ordinaire. On se souvient que les collègues, au travail, ont souhaité de passer de bonnes vacances et l'on tente de passer de bonnes vacances sur la plage de Lesconil, comme dans une chanson de Michel Jonasz. Mais, les rêves circulent aussi sur la plage de Lesconil. Il y a des rencontres à faire. Les téléphones mobiles sont en permanence connectés aux applis de rencontres en tout genre. Ces vacances qui semblent éternelles ont, elles aussi, changé.
C'est ce paradoxe que le romancier Daniel Diégèse explore avec le talent qu'on lui connaît. Que sont les vacances en Bretagne à l'heure de l'humain connecté, à l'heure où la lande, les plages et les parkings de supermarché se transforment en une gigantesque chasse aux Pokemons... sexuels ?
La plage de Lesconil n'est pas, ou n'est plus, ce qu'il en paraît encore sur les cartes postales.










27 juillet







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