Diégèse




mardi 28 mai 2019



2019
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Ce sont les mots qui comptent 148



Daniel Diégèse














Considérons maintenant des conversations parmi les plus banales, de celles où s'échangent ce qu'il est convenu de nommer « des informations ». Si l'on me dit : « j'ai laissé les clés chez le gardien », il semble évident que l'information principale ne se situe pas dans ce qui est dit, mais dans une situation connue des interlocuteurs et qui n'a pas besoin d'être explicitée. Ainsi, cette phrase peut signifier beaucoup de choses différentes, et surtout, déclencher beaucoup d'actes différents. Il peut s'agir d'aller arroser les plantes, de donner à manger au chat, de s'installer dans l'appartement loué par une agence spécialisée... Ce qui est certain, c'est que l'énoncé « n'en reste pas là ».

Extrapolons donc pour tenter de déterminer s'il existe des énoncés qui « en restent là », c'est à dire des énoncés qui seraient information pure et ne contiendraient aucune part performative. Ce n'est pas facile. Si l'on considère les paroles rituelles des cultes, ils sont éminemment performatifs, même quand ils semblent s'apparenter à des proférations, il n'en demeure pas moins qu'ils veulent être le témoignage actif de l'immanence ou de la transcendance - selon les cas - de la divinité. On peut remarquer à cet égard que l'immanence parfaite serait par nature indicible et ineffable. Mais, c'est une autre histoire.

N'y aurait-il donc aucun énoncé non performatif ? Si. On en trouve dans l'art. Considérons, par exemple, l'œuvre de l'immense artiste Roman Opalka. Né en 1931 et mort en 2011, de 1965 à sa mort, il a peint des suites de nombres entiers dans leur ordre numérique, enregistrant pour chaque nombre sa prononciation en polonais. Ces mots prononcés les uns à la suite des autres, s'ils relèvent de la performance, n'ont rien de performatif. Ils s'apparentent au bruit que fait la grande aiguille d'une horloge. Il en va de même de l'ensemble des mots et des phrases qui apparaissent dans les œuvres contemporaines. Cela tient à ce qu'elles n'ont aucun lien avec la littéralité. Elles sont d'une autre nature, qui n'est pas de l'ordre de la conversation, ni même de l'interaction entre le locuteur et une quelconque réalité. C'est ce qui fait, d'ailleurs, que ces œuvres sont parfois censurées, les pouvoirs peinant à concevoir cette rupture ontologique avec le littéral. Nous citerons ici Pierre Oudart qui dans un texte de 2016 intitulé Littéralité - littéralité - tabou*, écrit ceci : « Ainsi, il me semble légitime d'écrire, légitime de penser, légitime de croire que la qualité du signal émis par l'œuvre d'art, par le geste artistique, sa qualité et sa pureté, dans cette extrême impossibilité de tout retour de ce signal, de toute réciprocité, est justement ce qui fait l'art, ce qui fait art et ce qui rend l'art désirable, mais irréductible à tous les pouvoirs. Le signal artistique, émanant de la littéralité et bouclant sur la littéralité, échappe au champ de force créé par la mise en tension du dénoté et du connoté, échappe donc au champ des échanges sémantiques communs. »

* publié en ligne à l'adresse ci dessous :
http://www.diegese.fr/diegese/2016/textes_mis_en_forme/PDF/Diegese-2016_Peguy-Pasolini-03b_Litteralite-litteralite-tabou.pdf









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4e de couverture






Combien de fois n'avons-nous pas entendu : « il ne suffit pas de parler, il faut passer à l'acte ! » ? Pourtant, au moins depuis la publication du cours de John Austin en 1962 « How to do things with words », traduit en français par « Quand dire c'est faire », on sait que des paroles, des mots, peuvent aussi être des actes. Austin avait en effet montré que dans certaines conditions, des paroles pouvaient constituer des actes. Du « je vous déclare mari et femme » prononcé par le maire au « Madame est servie » lancé par le majordome d'un dîner mondain, les exemples sont nombreux.
Daniel Diégèse, dans la tradition psychanalytique prolonge le travail d'Austin et de ses disciples en affirmant que tous les mots sont des actes et que nos actes, pour peu qu'ils ne soient pas simples réflexes n'ont d'existence que passés par le tamis du langage. C'est d'ailleurs pourquoi on demande aux criminels de passer aux aveux. La conséquence en est immédiate : ce sont les mots qui comptent.
Daniel Diégèse, avec une grande habileté, commence ainsi par démonter des prises de parole habituelles et communes de la vie courante pour explorer ensuite des situations langagières plus complexes en apparence, et notamment des discours politiques. Une personne politique ne fait rien sinon produire du langage, qui, non suivi d'effets devient alors du bruit. Mais, l'auteur montre que le langage-bruit de la politique, produit aussi des actes, et non des moindres.
Bref, voilà un livre tout à la fois savant et facile d'accès qui vous permettra de mieux comprendre ce qui se passe autour de vous, et ce que vous produisez comme actes en parlant tout simplement.










28 mai







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