Diégèse
mercredi 29 mai 2019									2019
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En silence					149
Noëmie Diégèse
					André cherche sur l'internet un cours de langue des signes pas trop loin de chez lui. Certes, il entend parfaitement, mais il a remarqué que depuis qu'il ne parle plus, ses interlocuteurs ont tendance à hausser la voix. Il s'agit d'un réflexe et même des mal-voyants l'ont constaté. Il constate aussi que ces mêmes interlocuteurs ont tendance à douter de ses facultés mentales. Bref, on lui parle plus fort, en articulant exagérément et en utilisant des mots simples, un peu comme les gens pensent d'ordinaire qu'il faut parler à un enfant de quatre ans. S'il pratiquait la langue des signes, il ne rencontrerait pas cet inconvénient. Il voit cependant un obstacle à son apprentissage. Les locuteurs en LSF - pour langue des signes française - ne se contentent pas de parler avec les mains. Leur visage est aussi très expressif. Or, André n'a jamais eu le visage très expressif. Quand il parlait encore, on lui reprochait, et ce, depuis l'enfance, de tout dire sur le même ton et de ne jamais trahir ses émotions. « Cache ta joie ! » lui disait-on souvent. Il se souvient de l'anniversaire de ses dix ans, quand sa grand-mère lui avait offert le jeu qu'il attendait pour sa console. Il l'avait remerciée si froidement que la vieille dame avait cru qu'elle s'était trompée de version. Il l'avait rassurée et il avait entendu sa mère expliquer : « ne t'en fais pas, il est toujours comme ça. » Il se souvient aussi que quelques années plus tard, aux obsèques de cette même grand-mère, alors que toute la famille sanglotait, il était resté de marbre et que sa mère l'avait traité de monstre, allant jusqu'à supputer qu'il serait incapable de pleurer quand elle mourrait. La pauvre femme avait raison. Quand elle a succombé brusquement, André a accueilli la nouvelle avec une froideur que tous ont jugée coupable. Ainsi, comment imaginer qu'il pourrait tordre son visage dans tous les sens pour exprimer ceci ou cela ? André abandonne sa recherche de cours de langue des signes. Lui vient l'idée de ne plus rien exprimer. Jusqu'à présent, il pallie l'absence de la parole par un petit carnet qu'il tient toujours à sa proximité et sur lequel il écrit les éléments de conversation qu'il souhaite transmettre. Il n'en fera plus rien désormais. Il abandonne ce carnet, c'est décidé. André ira dans le monde impassible et impavide. On verra bien le genre d'ennuis que cela va lui amener.
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Toute la collection								4e de couverture
						C'est venu soudainement. Même pas un matin. Au milieu d'une journée. Une journée ordinaire. André ne parle plus. Ni lui ni personne ne sait pourquoi. Ce roman de Noëmie Diégèse est un conte moderne qui, face à l'aphasie inexpliquée du personnage principal fait intervenir tous les protagonistes de l'accompagnement de la personne humaine. Il y a bien sûr les techniques d'imagerie, les analyses biologiques, les psychiatres, les neurologues, les posturologues et même les imposteurs. Toutes les écoles médicales se penchent sur son cas, qui intéresse aussi sorciers et marabouts. Mais, André ne parle pas. André ne parle plus. C'est avec bonheur que l'on dévore cette fable. On sourit souvent. On rit parfois devant l'absurdité de certaines pratiques médicales qui tournent à l'acharnement plutôt que d'avouer leur impuissance. Qui trouvera la solution ? Et si le silence était la solution ? Un roman revigorant que vous dévorerez.
29 mai
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