Diégèse




vendredi 31 mai 2019



2019
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Boucle 151



Gustav Diégèse














L'île de Batz est une petite île de Bretagne. La toponymie y est abondante pour ce bout de terre. Porz Melloc et Porz Kernok sont le premier au sud et le second au nord. Quand il est parti de Roscoff, la bateau a dépassé l'île verte. Le guide dit que c'est sans doute une transgression marine qui a séparé l'île de la côte entre le septième et le neuvième siècle.

Il pense à la vierge de Roscoff. C'est elle qui est apparue à Trémintin après l'explosion volontaire du navire corsaire que sa corvette avait arraisonnée. Elle lui avait dit qu'il reverrait la flèche du Kreisker. Les aventures tumultueuses de Trémintin dit Le Chevalier de l'île de Batz valent bien celles dont l'industrie cinématographique s'est emparée. Il est resté longtemps dans la nef du Kreisker, cette merveille gothique de Bretagne, méditant sur le désaxement du chœur qui symboliserait l'inclinaison de la tête du Christ sur la croix. Et inclinato capite tradidit spiritum, relate Jean au trentième verset du chapitre dix-neuf ; et inclinant la tête, il rendit l'esprit quand Matthieu au verset cinquante du chapitre vingt-sept affirme que Jésus poussa de nouveau un grand cri et rendit l'esprit ; Iesus autem iterum clamans voce magna emisit spiritum ; ce que confirme Marc au verset trente-sept du chapitre quinze : Mais, Jésus, ayant poussé un grand cri, expira ; Iesus autem emissa vice magna exspiravit. C'est Luc qui relate ce que Jésus a crié sur la croix : et clamans voce magna Iesus ait pater in manus tuas commendo spiritum meum et haec dicens exspiravit ; Jésus s'écria d'une voix forte : Père je remets mon esprit entre tes mains. Et, en disant ces paroles, il expira.

Il était arrivé le matin à Saint-Pol-de-Léon pour visiter le Kreisker. Son inventaire de l'irrévérence gothique avançait bien et il voulait voir lui-même sur le porche septentrional les encorbellements en cul-de-lampe paraissant également écraser le noble et le clerc. On n'imagine que difficilement un endroit plus triste que la gare de Saint-Pol-de-Léon affublée d'un immense écriteau indiquant la voie B, au graphisme vaguement celte et d'une couleur qui semble avoir été étudiée spécifiquement pour les mal-voyants. C'est sans doute pour indiquer qu'un passager qui verrait un train et tenterait d'y embarquer serait victime d'une hallucination. La gare est toujours là, mais c'est par autocar que l'on rejoint Saint Pol de Léon et qu'on en repart ; vingt minutes de trajet environ depuis Morlaix. En partant à 7h40 de Paris-Montparnasse, il était arrivé à 11h35. Le train d'après le faisait arriver à 13h35, trop tard pour le déjeuner. Certes, il aurait pu déjeuner à Morlaix. Il avait un temps ses habitudes au restaurant Le Viaduc. C'était avant que le même graphiste ne sévisse et qu'on y serve du tartare de saumon.

La gare Montparnasse se réveillait encore. Les travaux en compliquaient l'accès, pourtant déjà fort complexe. Il avait prévu d'être en avance. Il prévoit toujours d'être en avance à la gare, surtout depuis qu'il faut parfois marcher près d'un kilomètre pour rejoindre sa voiture. Il a passé la nuit pas très loin de la gare, à l'hôtel Concorde-Montparnasse exactement, dont il aime particulièrement l'architecture. Il a lu qu'il y avait 354 chambres et il s'est demandé s'il pouvait imaginer séjourner dans chacune d'entre-elles. Il en connaît déjà une douzaine. La chambre supérieure avec la vue sur la Tour Eiffel est à plus de trois cents euros, ce qui est très au-delà de ses moyens tant que son éditeur ne l'aura pas payé.

En descendant du train gare d'Austerlitz, il a poussé à pied jusqu'à Notre-Dame de Paris. Ce sont ses gargouilles qui ont lui donné l'idée de cet inventaire irrévérencieux qui lui prend une grande partie de son temps. Elles étaient toujours là, veillant sur la ville et sur Esméralda. Il avait cherché parmi les photographies qu'il avait prises en Auvergne s'il pouvait reconnaître la manière de quelques sculpteurs de pierre, mais la tâche était trop ardue sur le parvis encombré. Il avait préféré rejoindre directement son hôtel. Par chance, la chambre était prête, il pourrait s'y reposer.









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4e de couverture






Gustav Diégèse n'est pas membre de l'OuLiPo mais il pourrait candidater. Fasciné par les palindromes, ces mots ou ces phrases qui peuvent se lire de gauche à droite comme de droite à gauche, il nous livre un récit qui, sans être strictement un palindrome, ce qui serait fastidieux à lire, peut se lire et se comprendre en commençant par la fin.
Dans notre monde contemporain, la boucle est devenue une forme habituelle en art, avec la vidéo, et dans notre quotidien. Les chaînes d'information répètent en boucle les mêmes reportages. Les panneaux publicitaires alternent inlassablement les mêmes images qui se fanent peu à peu. Notre époque, obsédée par le temps qui passe, cherche à le conjurer en multipliant les formes en boucle, à la fois mobiles et immobiles. C'est cela que le roman de Gustav Diégèse explore avec bonheur. Car il s'agit d'un vrai roman, avec des personnages et une intrigue. Mais, il n'y a pas de commencement ni de fin.
Le lecteur joueur pourra le lire plusieurs fois, imaginant avec un brin d'angoisse qu'il ne pourrait jamais s'arrêter.
Lire Boucle en boucle, voilà la gageure.










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