Je
suis frappé de la manière dont les artistes, jeunes artistes dit-on, se
sont saisis avec vigueur du mystère de la création. Car, vivre, mourir, aimer,
c'est le triptyque vital, le triptyque philosophique,
le triptyque spirituel et aussi le triptyque de la fiction, celui de la
création, le même triptyque, le même triptyque original
primordial, premier, celui-là même qui est en place dans les œuvres
qui sont présentées en cette fin d'été à Marseille. Et puis il
ne se passe rien. Comme si nous ne voyions pas vraiment ce qui est
en jeu, car, nous
sommes en voyage et tout à la fois en sursis. Car, si l'art se mêle
à la vie, il
en va sans doute de même de la mort.
Je suis sorti pour m'échapper un peu de ces rencontres incessantes et
harassantes. Je sais que si
je m'assois et si je me pose
un instant, débarrassé des scories sentimentales, des choses
à faire, du ballet social, des amitiés à servir, je peux considérer
alors face à face la certitude absolue de ma mort à venir
et n'en éprouver ni peine ni angoisse. Et cela fatigue encore
davantage au point d'imaginer que c'est la
pensée de la mort qui un jour parvient à faire mourir. Enfant, cette fatigue est
immense car, on se souvient alors de l'avenir. En
revanche, dès que je
reprends le cours de mes activités, l'hypothèse
même, sans cesse repoussée de ma mort apparaît comme terrible
et affreuse et draine avec elle toutes les angoisses et toutes les
craintes.
Je vais encore rester à Marseille et je dirai que j'y ai des projets
alors que je resterai
seulement là où
je suis arrivé pour construire patiemment de nouveaux souvenirs
et de nouveaux sentiments, et je
ne regrette rien de ma solitude ni-même de mon désespoir. |