Le
mois
d'août est toujours le mois des rétrospectives où
j'examine le passé dans une
intimité structurale. Je me demande ce que j'ai fait. Pour
autant, nous ne sommes pas que « homo faber », même si c'est
cette
part de notre humanité qui intéresse surtout... l'humanité. Car,
découle de cette question première la croyance que nous ne pouvons être
utiles sur terre, c'est à dire utiles aux autres, que par ce que nous
faisons, ce que nous sommes capables de faire, ce que nous savons
faire. Communiquer sur ce qu'on a fait ou sur ce qu'on est supposé
savoir faire, c'est le
format
choisi par les communicants, et qui n'est pas bon. Ce
qui nous
caractérise davantage dans la Création, c'est notre capacité à
sublimer, pas
notre capacité à faire et nous sublimons parce que nous sommes apeurés par la dureté du
monde et que nous devons faire face à cette absence définitive
qui s'annonce irrémédiablement. La sublimation
vient alors de la connaissance de cette
implacable finitude. La
vie qui se targue d'être vivante n'est pas un magazine coloré et
c'est ce que nous devons percevoir avec « le même degré de certitude
qu'ont eue jusqu'à présent les vérités mathématiques »,
comme l'affirme Descartes, s'agissant de l'existence de
Dieu, ce qui revient au même, ou presque.
Mais ce sont les vacances et les vacances ne sont pas
terminées. Je peux, avec les personnages, reprendre les pas de mes
voyages, même si je n'ai pris avec moi que des cartes muettes. Il
faut s'engager de
nouveau sur ces routes, qui sont de vraies routes, mais qui sont
aussi les
routes de l'écriture. Nous irons ensemble dans de très nombreuses
villes et aussi dans les villages et je regarderai les personnages
y vivre quelques jours, comme
pour mieux les surveiller,
pour mieux les apprendre. Il faudrait s'abstenir de
prétendre à toute influence sur les
personnages comme il serait en tout point préférable de n'avoir aucune
influence sur la vie de quiconque. C'est aussi que celui qui écrit ne peut
jamais tout écrire des personnages, qui excèdent
toujours le texte et passent un temps indéfini, long, dans des espaces
indéfinis, vastes où chaque lieu est structuré comme
un texte. Le
texte est structuré comme le lieu. C'est ainsi que le paysage agence
ses phrases, subordonne celles-ci à celles-là, en accentue le rythme
par une ponctuation.
Parfois, je n'y arrive
plus. Et puis il y a
aussi toutes les années d'écriture. Tout va très vite, si
vite... Mais, au moment d'abandonner, l'écriture revient, alors que je ne croyais plus
possible que le temps joue ainsi avec l'émotion. |